La ségrégation résidentielle nettement plus marquée à Paris que dans les autres agglomérations
La répartition des cadres et des professions intermédiaires s'homogénéise dans les grandes aires urbaines, selon une note de France stratégie qui analyse les phénomènes de ségrégation résidentielle sur cinquante ans. A l'inverse, les classes populaires autrefois équitablement réparties quittent de plus en plus les centres-villes. Il existe cependant "une divergence de localisation croissante entre immigrés et non immigrés", les populations immigrées étant plus présentes dans les centres et en proche banlieue. A Paris, les catégories populaires - y compris immigrées - s'effacent du centre-ville.
Il y a quatre ans, France stratégie publiait une étude inédite sur le phénomène de ségrégation résidentielle dans les grandes agglomérations, à partir d'un "indice de ségrégation" calculé à l'échelle des quartiers. L'organisme de réflexion rattaché à Matignon concluait à une certaine stabilité entre 1990 et 2015, excepté à Paris. Dans une nouvelle note publiée le 3 avril, il a cherché à "dézoomer" son travail. Plutôt que de partir sur la traditionnelle opposition centre-périphérie, les chercheurs se sont appuyés sur les "aires d'attractions des villes" : la commune-centre, le pôle (la banlieue) et la couronne (le périurbain ou le rural sous influence du pôle). Un moyen de mieux comprendre le "puissant mouvement de périurbanisation" à l'oeuvre depuis une cinquantaine d'années. Ils ont ainsi passé au crible les 50 agglomérations les plus grandes (Paris et les grandes métropoles mais aussi La Rochelle, Biarritz, Pau, Nîmes, Avignon, Amiens, Caen, Saint-Brieuc, Lorient, Annecy, Chambéry…) entre 1968 et 2019 et ont observé la répartition des habitants en fonction des catégories socio-professionnelles. Principal constat : "la stabilité, voire la légère baisse de la ségrégation résidentielle que nous avions observée à une maille fine, entre quartiers des communes, peut masquer une relative spécialisation sociologique des espaces résidentiels".
Périurbanisation
La ségrégation résidentielle désigne "l’inégale répartition dans l’espace de différentes catégories de population", rappelle France stratégie. Cette ségrégation peut être subie (phénomène de ghettoïsation, de relégation) ou voulue (recherche d'un entre-soi, notamment chez les classes aisées).
Dans le détail, la note montre que les professions intermédiaires et les cadres investissent la périphérie où, pendant longtemps, leur part étaient faible, ce qui conduit à une certaine "homogénéisation" de leur présence dans les trois catégories de territoires. A l'inverse, le poids démographique des ouvriers et des employés a globalement diminué dans les communes-centres et a augmenté en couronne. Leur répartition devient ainsi moins homogène au fil du temps.
Immigration, gentrification
Si la "classe sociale" détermine fortement le lieu de vie, il existe au sein des classes populaires "une divergence de localisation croissante entre immigrés et non immigrés". Les classes populaires se déplacent du centre vers la périphérie mais les classes populaires immigrées, elles, se concentrent en banlieue et dans les communes-centres. Le constat est à peu près le même pour les professions intermédiaires et les cadres. Quand ils sont immigrés, les cadres ont tendance à privilégier les communes-centres par rapport à la périphérie.
Voilà pour le constat général. Mais la région parisienne constitue un cas à part, ne serait-ce que par sa taille. Les catégories populaires qui, il y a cinquante ans, étaient réparties de manière "très homogène" ont aujourd'hui un poids démographique en périphérie nettement supérieur (+20%) au reste de l'agglomération, sachant que la périphérie de Paris s'étend très loin, jusqu'à des communes de l'Oise, de l'Eure, de l'Eure-et-Loir, du Loiret, de l'Yonne, de l'Aube, de la Marne et de l'Aisne, précise la note. Inversement leur part dans le Paris intra-muros est inférieure de 40%. Le poids des immigrés dans le centre de Paris croit jusqu'au début des années 1980 avant de s'effondrer depuis, avec un déplacement en banlieue. Ce qui vaut pour les trois catégories sociales. En somme, ces évolutions provoquent une "forte sous-représentation dans la commune-centre des catégories populaires, y compris immigrées". Ce qui traduit en creux un phénomène de gentrification.