La réforme de la fonction publique se précise
Réunis le 29 janvier à Paris, les directeurs généraux des services des petites villes ont planché sur l'avenir de la fonction publique territoriale. Il y a été bien sûr question de l'avant-projet de loi de réforme de la fonction publique. Un texte très attendu, que sa probable rapporteure à l'Assemblée nationale, la députée Emilie Chalas, a détaillé. Retour sur les principaux points de son intervention.
La majorité à l'Assemblée nationale affûte ses propositions sur la réforme de la fonction publique, en vue de la discussion du projet de loi que le gouvernement prépare depuis un an. L'échéance approche, puisque le conseil des ministres doit examiner le texte fin mars. Emilie Chalas, coordinatrice du groupe de travail LaRem-Modem qui, depuis avril dernier, planche sur le dossier, a rendu compte mardi 29 janvier, des multiples amendements qu'elle souhaite défendre lors de l'examen du texte. S'exprimant lors d'une rencontre du réseau créé récemment par les directeurs généraux des services (DGS) des petites villes, organisée en partenariat notamment avec la Banque des Territoires, la députée a aussi levé un coin du voile sur le projet de texte.
Petite surprise, ce dernier comportera des sujets qui ont été peu ou pas évoqués jusqu'à présent lors de la concertation entre le gouvernement, les employeurs et les syndicats. Le management sera ainsi au menu de la réforme, selon la députée. Celui qui concerne les agents de catégorie A bien sûr, mais aussi celui "de l'encadrement intermédiaire". "Une disposition dans le texte de loi va rendre obligatoire la formation au management pour les gens qui prennent des responsabilités d'encadrement", a précisé celle qui, avant d'entrer en politique, fut DRH, puis DGS de la ville de Moirans (Isère). "Le management et le manager" était l'un des chantiers ouverts par le groupe de travail "fonction publique" de la majorité à l'Assemblée nationale. Sa proposition vise par exemple, pour un agent de catégorie C devenant chef d'équipe, à "lui faire prendre conscience de son changement de positionnement, de lui donner quelques outils, quelques clés". Dans ce cas, la formation serait d'une durée de un ou deux jours.
La précarité de certains agents dans le collimateur
La majorité déposera-t-elle des amendements sur la lutte contre la précarité, ou bien ce thème figurera-t-il dans le texte qui sera déposé fin mars en conseil des ministres ? La députée est restée floue là-dessus. Logique : l'exécutif n'a pas encore rendu tous ses arbitrages. Dans la fonction publique territoriale, "on ira peut-être vers l'obligation d'un temps de travail de 75% pour titulariser un agent, et non plus de 50%", a affirmé Emilie Chalas. Elle soutient cette idée, qu'elle a déjà mise en œuvre à Moirans.
S'agissant de la prévention et de l'anticipation de l'usure des agents et donc des reclassements, "il y aura des propositions" au sein du chapitre du projet de loi consacré à la mobilité, a assuré la députée.
En outre, le projet de loi pourrait être l'occasion de définir juridiquement les missions des DGS exerçant dans les collectivités, ce qui répondrait à une demande ancienne du syndicat national des directeurs généraux des collectivités territoriales (SNDG). "Il y a peut-être un sujet là-dessus", a dit Emilie Chalas. Laquelle a confié que le secrétaire d'Etat en charge de la fonction publique, Olivier Dussopt, "est ouvert" sur la question.
Les autres dispositions du projet de loi que la parlementaire a évoquées sont déjà connues, puisqu'elles sont liées aux quatre axes que le Premier ministre a définis, il y a un an, lors du lancement de la concertation avec les représentants syndicaux et des employeurs : l'amélioration du dialogue social, l'accompagnement des mobilités, la rémunération au mérite et l'élargissement du recours au contrat. Ce sont ces deux derniers axes que la députée a le plus largement développés.
Le projet de loi introduira un plancher et un plafond s'appliquant au "complément indemnitaire annuel" (CIA), c'est-à-dire une prime que les employeurs peuvent verser à leurs agents en fonction de leur engagement professionnel. Le plancher aura pour intérêt d'empêcher que les employeurs ne fixent ce CIA à "zéro".
"Il n'est pas question de remettre en cause le statut"
S'agissant du recours accru au contrat, l'élargissement aux agents des catégories B et C de la possibilité pour les employeurs territoriaux de conclure des contrats pendant une période de six ans (deux fois trois ans), actuellement réservée aux agents de catégorie A, figure dans l'avant-projet de loi. La députée a estimé la disposition bienvenue pour les agents de la catégorie B, mais pas nécessairement pour ceux de la catégorie C. "On en discutera", a glissé Emilie Chalas. Qui s'est voulue rassurante sur ce sujet qui inquiète fortement les syndicats. "C'est une facilité d'embauche" (…), mais c'est aussi un risque", a-t-elle dit, en évoquant "la gestion de la fin des contrats". L'employeur ne peut pas non plus affecter un agent contractuel à une autre mission que celle à laquelle il est dévolu, ce qui peut poser problème à une structure qui se réorganise, a analysé l'ancienne DRH. Bref, le contrat ne présente pas que des avantages. D'où son pronostic : "Il n'y aura pas un tsunami de recrutements de contractuels à l'Etat et encore moins dans la FPT [ndlr : fonction publique territoriale]". Emilie Chalas a réaffirmé qu'"il n'est pas question de remettre en cause le statut" de la fonction publique. Ce dernier est suffisamment "souple" pour permettre les réorganisations, a-t-elle jugé.
On notera encore que la possibilité de recourir au contrat sur les emplois de direction de la fonction publique fera son retour. Le 4 septembre dernier, le Conseil constitutionnel avait retoqué cette mesure introduite par amendement dans le projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, au motif qu'il s'agissait d'un cavalier législatif. On se souvient que la disposition avait suscité un tollé dans le monde territorial. Mais aussi que le choix des députés de la majorité de réserver cette faculté aux collectivités d'au moins 40.000 habitants - ce seuil étant celui à partir duquel les collectivités peuvent recruter des administrateurs - avait rassuré et constitué une sorte de compromis. Précisément, ce seuil figurerait dans l'avant-projet de loi, ce dont s'est félicitée Emilie Chalas.
Vers des discussions locales sur le temps de travail
Par ailleurs, le projet de loi reprendra plusieurs des propositions de la mission sur la modernisation de la fonction publique territoriale conduite par Olivier Dussopt et le président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT), Philippe Laurent. En particulier celles qui concernent le temps de travail. Les collectivités auront pour obligation d'engager des discussions sur le sujet au cours des dix-huit mois après les prochaines élections. L'objectif : mettre tout le monde "à la même enseigne", selon Emilie Chalas. La durée de 1.607 heures de travail annuel serait donc la règle pour tous les agents.
Au total, l'avant-projet de loi comporte à ce stade six chapitres. Quatre correspondent aux chantiers de la concertation (contractuels, mérite, mobilité, dialogue social). A cela s'ajoute un chapitre visant à permettre l'application du protocole d'accord sur l'égalité entre les femmes et les hommes dans la fonction publique, que le gouvernement, les employeurs et sept organisations syndicales ont récemment approuvé. Un dernier chapitre portera sur la question du handicap dans la fonction publique.
Il n'existe "pas de demande très forte de réforme de la part du monde territorial", a déclaré Philippe Laurent, qui participait lui aussi à la rencontre de mardi. "C'est une réforme beaucoup plus nécessaire pour la fonction publique de l'Etat que pour nous", a-t-il encore jugé.
Rendre possibles les mobilités vers des collectivités plus petites
Comme le président du CSFPT, les directeurs généraux des services ont souhaité que des aménagements limités soient portés au statut, mais certainement pas de "big bang". Ils se sont dit favorables à une ouverture de la possibilité de recruter des agents contractuels de catégorie B, mais ils ont confié que les collectivités "n'ont pas vocation à recruter des agents" par cette voie "de façon très importante". En matière de mobilité, il faudrait lever les freins – notamment ceux qui sont liés à la rémunération - qui pénalisent les agents s'orientant vers des collectivités de plus petite taille, ont-ils jugé. En estimant aussi que la prime de départ vers le secteur privé, qui devrait figurer dans le projet de loi, ne correspond pas à une attente des agents territoriaux.
Sur l'avenir des commissions administratives paritaires, Thomas Cellier, DGS de Canteleu, a dit ne pas s'opposer à ce que ces commissions deviennent des instances de recours, comme le prévoit le projet de loi. Mais avec la fusion des comités techniques et des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), les questions qui sont traitées au sein de ces comités pourraient être "oubliées", a-t-il redouté.
Le CSFPT examinera "début mars" le projet de loi, a indiqué Philippe Laurent. Mais, le texte pourrait être présenté à l'instance lors d'une première réunion qui devrait avoir lieu vers le 20 février.