Inclusion numérique : un écosystème recentré au plus près des habitants mais toujours fragile financièrement

Après avoir dressé le profil des médiateurs et conseillers numériques, la deuxième édition de l'Observatoire de l'inclusion numérique, réalisée par la Mednum, se penche sur la structuration de l'écosystème : acteurs, méthodes d'accompagnement et outils. Il en ressort que les collectivités, actrices majeures de la médiation numérique, recentrent leurs actions au plus près des besoins des habitants, tout en luttant contre des fragilités financières persistantes.

"Le périmètre d'intervention des structures semble avoir évolué en deux ans", notent les auteurices de la deuxième édition de l'Observatoire de l'inclusion numérique, réalisée par la Mednum - diminutif de "Médiation numérique"- en charge de l'animation nationale du dispositif des conseillers numériques. En effet, "le nombre de répondants intervenant principalement à l'échelle locale (c'est-à-dire infradépartementale) en 2024 est désormais de 68% contre 58% en 2022, et de 24% à l'échelle départementale contre 22% en 2022 (…). Ces évolutions suggèrent un recentrage des efforts sur les mailles départementales et infradépartementales, orientées vers une action de proximité plus prononcée", peut-on lire dans cette enquête publiée le 11 décembre 2024.

Il ressort de cette enquête que les collectivités financent les structures de médiation numérique de leur territoire et conduisent leurs propres actions en mobilisant des conseillers ou des médiateurs numériques. En effet, 75% des collectivités répondantes (1) ont indiqué embaucher un ou plusieurs médiateurs numériques dans leurs services. "Les actions proposées par les collectivités peuvent avoir lieu dans leurs propres locaux (permanence d'accueil) ou d'autres structures ouvertes au public : médiathèques, missions locales, tiers-lieux, centre social, associations locales… ".

Autre enseignement, "contrairement à une idée reçue, les actions de médiation numérique ne s'adressent pas uniquement aux seniors", relève l'Observatoire. Les adultes (32%), les jeunes (22%) et les enfants (13%) comptent parmi les publics accompagnés, en plus des 31% de seniors. Ce constat témoigne de l'étendue des besoins et la diversité des approches nécessaires

L'accompagnement à la parentalité numérique monte en puissance

La maîtrise des outils numériques quotidiens demeure la priorité des structures (94%), mais d'autres activités montent en puissance, à l'image de l'accompagnement à la parentalité numérique (62%). "Les parents et les éducateurs, en effet, sont confrontés à de nouveaux défis : accompagner l'usage des écrans et protéger les enfants des dangers en ligne, tout en tirant parti des opportunités pédagogiques du numérique. Ce rôle exige non seulement des compétences techniques, mais aussi une réflexion sur les comportements à mobiliser dans un monde connecté", souligne l'enquête. 

Inclusion numérique

La Banque des Territoires investit dans l'économie inclusive

En parallèle, l'aide aux démarches administratives se positionne toujours en tête des actions menées (80%), suivie de près par la mise à disposition d'un accès internet et du matériel informatique qui gagne 16 points par rapport à 2022 (76%) , soulignant l'importance de l'accès physique au numérique. Les activités liées à l'insertion professionnelle (51%) et à la compréhension du monde numérique (83%) illustrent également le rôle stratégique de la médiation dans l'accès aux droits.

Des fragilités financières persistantes

Malgré un rôle essentiel dans les territoires, les structures de médiation numérique restent fragiles financièrement. L'Observatoire souligne la dépendance aux subventions publiques (85% des financements) et la faible diversification des ressources. L'enquête mentionne la fermeture récente de structures comme Hubikoop, Le Chaudron, POP Café et Aptic, qui témoigne de ces difficultés, selon l'Observatoire. Rappelons par ailleurs que la réduction de plus de 50% du budget alloué aux conseillers numériques France services (CNFS) dans le projet de loi de finances 2025 avait suscité une large incompréhension des élus et des acteurs du secteur (voir notre article du 29 novembre et du 25 octobre). 

Le recours aux fonds européens (FSE, Feder) pourrait constituer une alternative, mais la complexité des dossiers et les délais de trésorerie dissuadent bon nombre d'acteurs. Pour pallier ces fragilités, des initiatives comme Cap*Mednum ou l'accélérateur 13M (porté par H7, la Banque des Territoires et porté par H7 et le Groupe SOS) visent à outiller les structures dans la recherche de financements et la mesure de l'impact de leurs actions.

La structuration de la filière, un chantier ouvert

Pour répondre à la nécessité de structurer la filière professionnelle de la médiation numérique, l'enquête rappelle qu'un Edec (engagement de développement de l'emploi et de compétences) a été lancé par l'ANCT, la DGEFP et l'Opco (2) Uniformation en 2023. Il vise à reconnaître les compétences spécifiques des métiers du secteur, à répondre aux besoins croissants de formation et de professionnalisation des acteurs et à sécuriser ainsi les différents parcours professionnels. Cette dynamique de professionnalisation s'inscrit dans la feuille de route France Numérique Ensemble, qui promeut la territorialisation des politiques d'inclusion numérique.

Des recommandations pour les collectivités

Face aux enjeux d'équipement, de compétences et de soutien financier, l'Observatoire invite les collectivités à "renforcer la gouvernance locale des politiques d'inclusion numérique". Elle recommande également de veiller à articuler la médiation numérique avec les dispositifs sociaux existants : tiers-lieux, médiathèques, centres sociaux, etc. Autre piste : soutenir le reconditionnement du matériel numérique, en lien avec la loi Agec (anti-gaspillage) et intégrer l'évaluation de l'impact des actions de médiation.

(1) Parmi les 304 structures de médiation ayant répondu à l'enquête, 40% sont des structures privées (associations, entreprises, coopératives), 52% des collectivités (structures communales, intercommunales, départementales, syndicats mixtes) et 3% des établissements publics (GIP, EPIC et universités).

(2) DGEFP, délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle, et Opco, opérateur de compétences. C'est un regroupement d'organismes en charge de l'accompagnement de la formation professionnelle des salariés.