Implantation de l'enseignement privé : une France morcelée

Les données du portail Géo-éducation dressent un portrait de l'implantation de l'enseignement privé fort en contrastes. Une poignée de départements accueillent beaucoup plus d'établissements et d'élèves que les autres. Mais lors du passage du premier au second degré, les élèves des départements les plus urbanisés sont plus nombreux à franchir les portes du privé.

Alors que les sénateurs ont commencé le 5 juin 2024, en commission, l'examen d'une proposition de loi visant à assurer la mixité sociale et scolaire dans les établissements d'enseignement publics et privés sous contrat, quelle est la réalité de la scolarisation dans l'enseignement privé sur le territoire français ?

Selon les données disponibles sur le portail Géo-éducation, édité par la Depp (direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance du ministère de l'Éducation nationale), les départements affichent des réalités fort différentes, qu'il s'agisse du nombre d'établissements privés sous contrat qui y sont implantés ou de la part des élèves qui y sont scolarisés.

Près d'un tiers des établissements implantés dans l'Ouest

En valeur absolue, selon les dernières données portant sur l'année 2022, la France compte 7.532 établissements privés sous contrat. Et c'est le Nord, département le plus peuplé de France, qui en totalise le plus (388). Suit un tir groupé des départements de l'Ouest : Loire-Atlantique (341), Ille-et-Vilaine (321), Morbihan (301), Maine-et-Loire (290), Finistère (278) et Vendée (262). Le Rhône (254), Paris (236) et les Bouches-du-Rhône (210), respectivement quatrième, deuxième et troisième départements les plus peuplés, viennent ensuite.   

L'implantation des établissements privés sous contrat a donc un lien avec l'importance de la population, mais ce lien est loin d'être absolu. Ainsi, la Seine-Saint-Denis (cinquième département le plus peuplé) et la Gironde (sixième) ne sont respectivement qu'aux vingt-septième et quinzième rangs pour le nombre d'établissements privés sous contrat. En revanche, l'Ouest est bien un apanage des établissements privés puisque les neuf départements de Bretagne et des Pays de la Loire regroupent à eux seuls 29% de ces établissements.

L'Île-de-France peu fournie en établissements privés

Si l'on considère le nombre d'établissements privés sous contrat pour mille élèves scolarisés (dans le public et le privé confondus), le résultat montre un nouveau contraste, avec cette fois l'apparition de départements ruraux d'Occitanie et d'Auvergne-Rhône-Alpes. Alors que l'on compte en moyenne nationale 0,7 établissement privé sous contrat pour mille élèves, la Lozère, le Morbihan, la Haute-Loire, l'Aveyron, la Vendée, la Mayenne et les Côtes-d'Armor affichent un taux supérieur à deux. À l'inverse, plusieurs départements franciliens très peuplés (Seine-Saint-Denis, Val-d'Oise, Essonne et Seine-et-Marne) comptent dix fois moins d'établissements privés pour mille élèves, soit 0,2.

Les écarts sont encore marqués si l'on calcule, pour l'ensemble des élèves, la part de ceux qui sont inscrits dans un établissement privé sous contrat. Pour le premier degré, la Vendée (50%) et le Morbihan (49%) comptent autant d'élèves dans l'enseignement privé que dans le public. De leur côté, le Maine-et-Loire, le Finistère, l'Ille-et-Vilaine, la Mayenne, la Loire-Atlantique, la Haute-Loire, la Lozère et les Côtes-d'Armor affichent des taux de scolarisation dans le privé compris entre 31% et 39%. On notera que Paris compte 25% d'élèves du premier degré scolarisés dans le privé, contre 17% dans le Rhône et 11% dans les Bouches-du-Rhône. Si la Haute-Corse (3%) et la Creuse (3%) sont les départements comptant le moins d'élèves scolarisés dans l'enseignement privé du premier degré, les départements très peuplés de l'Essonne, de la Seine-Saint-Denis, du Val-d'Oise et de la Seine-et-Marne en dénombrent 5% ou moins.

Du premier au second degré, le bond en avant du privé

Le passage dans le second degré rebat les cartes : les taux de scolarisation dans le privé y sont, à de très rares exceptions près, partout plus élevés. Si les mêmes départements de l'Ouest, d'Occitanie et d'Auvergne-Rhône-Alpes affichent des taux compris entre 36% et 52% d'élèves inscrits dans des établissements privés, d'autres – en particulier les plus peuplés – font des bonds en avant spectaculaires. Le Rhône bondit de 17% d'élèves dans le privé dans le premier degré à 32% dans le second degré, la Haute-Savoie passe de 13% à 26%, les Hauts-de-Seine de 12 à 25%, les Bouches-du-Rhône de 11% à 23% et Paris de 25% à 36%.

Selon les dernières données de la Depp, les effectifs des établissements privés ont crû à la rentrée 2023, tandis que ceux du public stagnaient. Ce double phénomène – bond en avant du privé lors du passage dans le second degré et hausse des effectifs dans l'enseignement privé du second degré – devrait offrir aux parlementaires un sujet de réflexion alors qu'ils se proposent, à travers la PPL actuellement débattue, d'imposer de nouvelles obligations de mixité sociale aux établissements privés.