Gratuité des transports urbains : une étude du Gart tempère l’impact sur la fréquentation
Une étude réalisée pour le compte du Groupement des autorités responsables de transport (Gart) sur les impacts du passage à la gratuité dans sept réseaux de transports urbains a été présentée, le 2 octobre à Nantes, aux Rencontres nationales du transport public. Elle conclut que la dynamique de hausse de la fréquentation liée à la gratuité ne perdure dans le temps que si l’offre est développée.
"Objectiver les raisons qui peuvent soutenir la décision politique de mettre en œuvre la gratuité ou bien, a contrario, de ne pas la décider", tel fut le but de l'étude réalisée de février à août dernier par le bureau d’études Iter pour le compte du Gart et présentée le 2 octobre à Nantes, aux Rencontres nationales du transport public. Sur bien des aspects, ses conclusions rejoignent celles de la mission sénatoriale sur la gratuité des transports collectifs qui a présenté son rapport ce 26 septembre (lire notre article).
Sept réseaux passés au crible
Lorsque l'étude du Gart a été lancée, 30 réseaux (sur plus de 300) avaient fait le choix de la gratuité, dont 12 dès leur création, dans de petites villes ; les 18 autres ayant fait la bascule après avoir été payants. Une gratuité partielle, conditionnée ou totale (dans 22 réseaux), c'est selon.
Périmètre retenu pour l’étude, sept réseaux de transports urbains disposant d’un peu de recul et de données : Aubagne, Bernay (Eure), Châteauroux, Dunkerque, Libourne, Neuves-Maisons (Meurthe-et-Moselle) et Niort. Étayée d’analyses portant sur des réseaux européens (Tallinn en Estonie et Hasselt en Belgique) et sur un échantillon de réseaux régionaux (pour le lien entre transport scolaire et gratuité), elle confirme l’impact net sur la fréquentation la première année d’instauration (multipliée par 2 à Aubagne et par 2 à 5 sur les petits réseaux), notamment "grâce à la grande simplicité qu’elle implique".
Mais cette hausse est "fortement liée aux spécificités du réseau avant gratuité" (taille du réseau, tarification initiale, évolution de l’offre avant/après gratuité, etc.), et "ne peut se justifier que par le seul effet gratuité".
Son instauration est généralement accompagnée d’autres mesures (restructuration du réseau, nouveaux matériels, politique de stationnement). Et l’augmentation de la fréquentation "ne perdure que si la pertinence de l’offre est régulièrement réinterrogée" en vue de redynamiser durablement l’attractivité des transports publics.
Privilégier la tarification solidaire
La difficulté d’isoler "ce qui relève de l’effet gratuité de ce qui provient de la restructuration, de l’optimisation ou du renfort d’offre" est ainsi pointée. L’étude tempère par ailleurs toute conclusion hâtive sur les réponses que la gratuité pourrait apporter "à des problématiques sociales telles que l’isolement de certaines catégories de population ou l’insuffisance de mixité sociale".
Tout en renvoyant à une analyse plus fine "qui pourra être réalisée ultérieurement", elle revient sur la pertinence de la tarification solidaire, "alternative efficace pour répondre à la problématique de mobilité des populations fragiles sans pour autant faire le choix de la gratuité totale qui peut apparaître inéquitable d’un point de vue social". Intervenant lors de la présentation de l’étude, le maire de Strasbourg, Roland Ries, a conforté ce propos et souligné la réussite dans sa ville de la tarification solidaire mise en place en fonction du quotient familial.
L’adaptation aux grands réseaux
La pertinence de la gratuité dans des réseaux de grande taille fait régulièrement débat. L'étude rappelle que ceux qui sont passés à la gratuité connaissaient un taux d’utilisation et une part modale des transports publics faibles, tout comme leur niveau de recettes tarifaires. En outre, la place de la voiture y est prédominante.
Recettes tarifaires
S’en priver dans de grands réseaux pose plus de problème. D’ailleurs, même quand ces recettes sont faibles, leur suppression doit être compensée par le budget principal de la collectivité, si bien que "l’impôt local devient la seule variable d’ajustement".
Si la configuration de certaines agglos et réseaux - par exemple quand le coût de perception est supérieur aux recettes - fait que la gratuité peut être envisagée "à un coût limité, du moins à court terme", le Gart n’encourage clairement pas cette pratique qui pose un problème de soutenabilité financière et "bouleverse un équilibre déjà fragile".
Le réseau d’élus n’en tire pas moins un dernier enseignement et recommande aux collectivités qui font ce choix de la gratuité de se donner "les moyens de pouvoir en évaluer les impacts sur le long terme avec des outils adaptés".
Le Gart défend enfin la nécessité de construire une méthodologie d’enquête facilitant "les comparaisons dans le temps et une meilleure fiabilité des données collectées".