Congrès des maires - Des maires "dépossédés", y compris face à l'intercommunalité ?
Le Congrès des maires de France s'est ouvert ce mardi 20 novembre à Paris, avec des élus déterminés à faire entendre leurs insatisfactions et attentes pendant trois jours porte de Versailles (lire notre article du 19 novembre). "Il y a des tensions, beaucoup d'interrogations et un peu d'impatience", résume François Baroin, le président de l'Association des maires de France (AMF).
Emmanuel Macron ne viendra pas cette année devant le congrès, mais s'exprimera mercredi soir devant plusieurs centaines d'élus invités à l'Élysée. Le chef de l'État recevra auparavant le bureau de l'AMF. "Ce qui importe, c'est que nous discutions et que nous puissions négocier", fait valoir François Baroin.
Les élus prévoient d'élaborer une "plateforme de négociation" avec l'exécutif qui fera l'objet d'une résolution finale du congrès. Des revendications qui seront soumises dès mercredi au chef de l'État. Parmi les sujets sur lesquels ils attendent des réponses : les modalités de compensation de la taxe d'habitation, la question des dotations, les emplois aidés, la contractualisation financière ou encore la révision constitutionnelle. Autant de sujets sur lesquels l'AMF souhaite des réponses de l'exécutif avant la fin du premier semestre 2019 pour assurer de la visibilité aux élus et aux candidats aux élections municipales de mars 2020.
Dans une interview au Parisien, la ministre de la Cohésion des territoires, Jacqueline Gourault, a regretté que certains dirigeants de l'AMF refusent "les mains tendues" par le gouvernement et soient "dans une posture plus politique" que les autres associations d'élus. "Il y a toujours, quels que soient les pouvoirs, des discussions souvent serrées", tempère François Baroin.
Jacqueline Gourault et Sébastien Lecornu ont annoncé leur présence porte de Versailles… mais du côté du Salon des maires et non du congrès, avec un programme de rencontres sur le stand du ministère de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales.
"Il nous restera peut-être le port de l'écharpe"
La ministre n'était en tout cas pas présente à la plénière d'ouverture ce mardi matin, consacrée à l'intercommunalité, l'un de ses sujets de prédilection lorsqu'elle était elle-même membre du bureau de l'AMF. Une plénière dont les débats n'ont guère apporté d'éléments nouveaux mais permis de confirmer que le volet intercommunalité de la loi Notr n'a toujours pas été totalement digéré. Selon des chiffres cités par André Laignel, le premier vice-président délégué de l'AMF, 83% des maires regretteraient les changements induits par cette loi. Les prises de parole depuis la salle n'ont pas manqué en ce sens : "des intercommunalités beaucoup trop grandes", "deux collectivités constitutionnelles – la commune et le département – qu'on est en train de mettre à terre", "la République, c'est d'être au plus près des citoyens"… et André Laignel d'insister en ce sens : avec une intercommunalité tentée de devenir supracommunale, in fine, "il nous restera peut-être le port de l'écharpe et l'état-civil".
L'enquête du Cevipof dévoilée la semaine dernière (lire notre article), qui a été développée mardi devant les maires par son directeur, Martial Foucault, s'est elle aussi intéressée à ce "sentiment de dépossession" dont témoignent les élus municipaux face à une intercommunalité dotée de compétences de plus en plus puissantes. Et Martial Foucault de parler d'une "recentralisation horizontale".
À la tribune, plusieurs maires et présidents d'intercommunalités ont toutefois tour à tour évoqué comment il était possible de mieux impliquer les maires et les conseillers municipaux au fonctionnement de l'intercommunalité. "La participation et la confiance des maires vis-à-vis de l'intercommunalité est un impératif", a-t-il été dit à plusieurs reprises. "Ateliers projets", conseils ou conférences des maires, intégration communautaire "par étapes"… les moyens d'y parvenir seraient nombreux.
Le courrier d'Emmanuel Macron aux maires
Quelle sera la teneur du discours qui sera prononcé par Emmanuel Macron, mercredi soir devant les centaines de maires invités à l’Élysée ? Le courrier que le chef de l’État a envoyé à tous les édiles de France donne une indication sur ce qu’ils devraient entendre.
Le président de la République y défend notamment une préservation des moyens financiers des collectivités territoriales et insiste sur la "liberté de gestion", assurant croire lui aussi "en l’intelligence des territoires". "L’unité de la République, ce ne peut être l’uniformité", poursuit-il. Et de défendre l’inscription de la différenciation territoriale dans la Constitution, "c’est-à-dire la capacité d’adapter l’exercice des compétences, l’organisation de l’État et des collectivités territoriales aux spécificités de chaque territoire".
"Je crois à la décentralisation de projet", poursuit-il. "L’action publique ne peut avoir les mêmes règles, les mêmes normes dans une commune périurbaine et dans une commune d’outre-mer, au cœur d’une grande métropole et dans une commune rurale en Corse ou dans le Massif central. C’est le sens de la République décentralisée que je souhaite construire avec vous", écrit pour sa part le chef de l’État aux maires de France.
Emmanuel Macron évoque aussi la possibilité de revenir sur la répartition des compétences entre collectivités modifiée par la loi Notr. "La mise en œuvre accélérée de la réforme de l’intercommunalité sur certains territoires et l’application mécanique et parfois trop stricte de [cette loi] ont pu être sources de dysfonctionnements et de déceptions. Le gouvernement a demandé aux préfets de recenser avec vous les difficultés afin d’y apporter des réponses concrètes." Il explique que "modifier la loi" n’est pas tabou puisque le gouvernement se veut "pragmatique".
Enfin, Emmanuel Macron fait valoir son souhait de réformer l’organisation territoriale de l’État, qui se traduira "par une présence publique accrue dans les territoires, au plus près [des élus] et des habitants, contrairement à la concentration régionale que [les élus viennent] de connaître". Ceux-ci pourront aussi s’appuyer sur l’Agence de cohésion des territoires, souligne-t-il enfin, avant d’assurer les maires de sa "confiance".