Centre de formation d’apprentis : l’Igas et l’IGF invitent à retirer aux régions leur enveloppe dédiée à l’investissement
L’Inspection générale des affaires sociales et l’Inspection générale des finances appellent à mieux réguler le financement des centres de formation d’apprentis, jugé "inflationniste" et "surdimensionné". A des fins de simplifications, la mission recommande aussi de retirer aux régions leur enveloppe dédiée à l’investissement.
Trois ans après un premier rapport alertant sur le déficit structurel du financement de l’apprentissage (lire notre article du 9/09/2020), l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) et l’Inspection générale des finances (IGF) se penchent à nouveau sur le dossier. Dans un rapport publié vendredi 1er septembre, la mission, consacrée cette fois-ci aux mécanismes de soutien des centres de formation d’apprentis, formule 10 propositions de réforme d’un système qui apparaît "surdimensionné et intrinsèquement inflationniste, sans régulation ni par la norme ni par le marché".
Alors que de nouvelles baisses de financement des contrats d’apprentissage doivent entrer en vigueur en ce mois de septembre par décret (lire notre article du 19/07/23), la mission appelle à davantage remettre à plat le système, côté dépenses mais aussi côté recettes (voir encadré). Le rapport constate en effet que "la fixation des niveaux de prise en charge par les branches dans le respect des fourchettes recommandées par France compétences a conduit à des niveaux de prix élevés". D’une part parce qu’elle repose "sur le positionnement des branches" et d’autre part car l’exploitation des comptabilités analytiques, qui vise à déterminer le coût réel des formations, "n’incite aucunement les CFA à une optimisation de leurs coûts". Ensuite, "le plafonnement par le coût moyen constaté est en fait rehaussé de valeurs assez larges de 50 ou 90%".
1.000 euros d’écart entre le coût moyen et le financement
Au total, l’écart entre les "coûts contrat" et le coût moyen par apprenti atteint "environ 1.000 euros" selon les calculs de la mission. Le taux de marge augmente de façon significative à partir de 10 apprentis et atteint son maximum dans les CFA de 40 à 400 apprentis. La rentabilité varie selon le statut : les CFA commerciaux affichent les taux de marge les plus élevés, bien devant les CFA publics, consulaires ou associatifs. Par ailleurs, "le niveau de marge pour les formations de niveau 3, 4 et 5 est nettement plus important" que pour les niveaux 6 et 7, relève la mission. La diminution du soutien aux niveaux les plus élevés se justifie néanmoins en raison de niveaux de prise en charge plus élevés dans l’absolu, ainsi que par la valeur ajoutée moindre de l’apprentissage sur l’insertion de ces étudiants, qui est déjà bonne.
Les mesures d’économies prévues par France compétences depuis l’an dernier ont particulièrement impacté les formations de niveau 3 et 4 avec le plus d’effectifs, constatent les rapporteurs. Ce qui n’a pas manqué de faire réagir les acteurs concernés, de la Fnadir au réseau des chambres des métiers et de l’artisanat, déplorant la complexité des règles et leur iniquité. Dans le rapport, la mission détaille donc ses paramètres pour "simplifier le modèle de révision à la baisse des NPEC (niveaux de prise en charge)". Et à moyen terme, elle imagine deux scénarios : confier une enveloppe fermée par branche professionnelle correspondant aux effectifs, ou bien fixer un niveau de prise en charge socle déterminé par l’État, complété par des contributions conventionnelles.
Un soutien régional aux CFA très hétérogène
Dans les deux cas, le rapport appelle en outre à "une simplification des financements complémentaires", actuellement au nombre de trois. Ainsi, l’investissement dans les CFA devrait être couvert par les seuls niveaux de prise en charge, "à l’exception des projets d’importance particulière, qui continueraient d’être financés par les opérateurs de compétences (Opco) sur une enveloppe recalibrée". Les régions se verraient ainsi retirer leur enveloppe dédiée à l’investissement au profit des Opco, pour se recentrer sur leurs seules subventions de fonctionnement et dans l’objectif de promouvoir les offres nouvelles de formations ou les métiers émergents, au titre de l’objectif d’aménagement du territoire.
Une position que la mission justifie par l’hétérogénéité du soutien régional aux CFA : en 2021, "les dix projets les plus soutenus financièrement par les régions représentaient un tiers du montant global de l’enveloppe investissement des régions, ce qui laisse penser que la logique d’appels à projets régionaux favorise les structures de grande taille". A cela s’ajoutent d’importantes différences territoriales, avec "un rapport de 1 à 13 en 2021 entre les dépenses par apprenti de la région Auvergne-Rhône-Alpes – où les montants par alternant sont les plus faibles – et de la région Hauts-de-France".
Apprentissage : des propositions côté recettesOutre les mesures de régulation des dépenses, le rapport préconise, côté recettes, de réviser l’assiette de la taxe d’apprentissage via la "rationalisation" des dérogations actuelles, de nature géographique (comme en Alsace-Moselle), sectorielles (associations, mutuelles, organismes HLM) ou s’appliquant aux entreprises de moins de 11 salariés, qui représenteraient des ressources supplémentaires d’environ 300 millions d’euros. Cette contribution unique des employeurs, aussi appelée Cufpa (contribution unique à la formation professionnelle et à l'alternance), pourrait en outre être modulée en fonction des tensions de recrutement. C.A |