Apprentissage : les régions mises au régime sec

L'enveloppe que France compétences verse aux régions pour financer le fonctionnement des CFA va baisser de 50 millions d'euros cette année.  Une mauvaise nouvelle pour les CFA ruraux déjà fragilisés par la baisse des prises en charge.

Un arrêté publié au Journal officiel le 16 mai fixe à 88,199 millions d'euros le montant affecté aux régions par France compétences pour le financement des dépenses de fonctionnement des centres de formation d'apprentis (CFA). Soit une baisse drastique de 50 millions. En effet le budget initial que France compétences prévoyait pour les régions se montait  jusqu'ici à 138 millions d'euros. Une somme qui n'a pas varié depuis la réforme de l'apprentissage de 2018 au terme de laquelle les régions se sont vu ôter la compétence apprentissage au profit des branches professionnelles, les régions conservant toutefois une responsabilité pour assurer le financement des CFA quand "des besoins d’aménagement du territoire et de développement économique" se justifient. Concrètement, dans les zones de revitalisation rurale (aujourd'hui France ruralités revitalisation) ou les quartiers politique de la ville, les régions peuvent, grâce à cette enveloppe, intervenir pour majorer le niveau de prise en charge des coûts contrats ou aider les jeunes qui rencontrent des difficultés financières à financer des actions de mobilité par exemple. A noter que, dès l'origine, le montant de 138 millions d'euros avait été jugé insuffisant pour permettre aux régions d'assurer ce rôle d'équilibre (voir notre article du 28 octobre 2019).

Une baisse de 36% dans chaque région

Cette baisse a été annoncée le 2 mai par la ministre du Travail Catherine Vautrin à Carole Delga, présidente de Régions de France, dans un courrier que l'association qualifie de "modèle de concision". La ministre y indique que la diminution de 36% s'appliquera dans chaque région de manière uniforme. L'arrête fixe ainsi le montant affecté à chacune d'elle (avec des enveloppes qui vont de 338.545 euros pour la Guyane à plus de 13 millions pour l'Ile-de-France). Actée par le conseil d'administration de France compétences, le 16 mai, la mesure s'inscrit dans les économies d'1,1 milliard d'euros que Bercy a imposé au ministère du Travail pour l'année 2024, au titre des 10 milliards d'euros de baisses budgétaires. Autant dire que pour les régions, la pilule est amère. "Une telle décision est inédite dans la forme comme dans le fond", a réagi Carole Delga, dans un courrier adressé au Premier ministre Gabriel Attal, le 3 mai, pour lui demander de différer cette baisse "au budget primitif 2025 des régions afin d’en limiter les impacts préjudiciables aux CFA et au développement de l’apprentissage". Car les régions avaient déjà arrêté leurs budgets et s'étaient engagées auprès des CFA. Et elles risquent de devoir mettre la main à la poche pour honorer leurs engagements.

Des CFA fragilisés

Si la seconde enveloppe versée aux régions pour "investissements" ne bouge pas et reste fixée à 180 millions d'euros, elle ne pourra pas servir à abonder la première. D'ailleurs, cette enveloppe qui sert à financer des travaux dans les bâtiments ou l'achat de matériel est devenue largement insuffisante pour subvenir à la demande, la réforme ayant entraîné l'ouverture de nombreux CFA en zone urbaine. Alors pour pourvoir à la demande, l'Etat avait accepté que les régions puissent puiser dans l'enveloppe de fonctionnement. Ce qui ne sera plus possible dans ce nouveau contexte de restrictions. 

Pour les CFA fragiles, notamment ceux situés en zone rurale, déjà frappés par la baisse du niveau de prise en charge de l'Etat, c'est la double peine. "C'est une mesure qui crée de l'insécurité dans les relations Etat-régions et entre régions et CFA, qui va fragiliser les projets des CFA et les CFA eux-mêmes, ceux qui se situent dans la ruralité ou qui proposent des formations de proximité", commente-t-on au sein de Régions de France. A CMA France, on craint la fermeture de plusieurs CFA. Les craintes exprimées par les régions au moment de la dérégulation de 2018 ne se sont pas produites grâce à l'afflux de financements de l'Etat via les "coûts-contrats". Mais là aussi, les lendemains du "quoi qu'il en coûte" risquent de faire mal.

Référence : arrêté du 13 mai 2024 fixant le montant et la répartition du fonds de soutien à l'apprentissage aux régions et à la collectivité de Corse, JO du 16 mai 2024.
 

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