Accès aux soins : des remèdes jusqu'ici insuffisants, juge la Cour des comptes

Les politiques menées pour réduire les inégalités d'accès aux soins en France sont trop "fragmentaires", "insuffisamment ciblées" et pas "évaluables", déplore la Cour des comptes dans un rapport publié ce lundi 13 mai, formulant plusieurs recommandations.

"L'organisation des 'soins de premier recours' (généralistes, spécialistes en accès direct, infirmiers, kinésithérapeutes, pharmaciens, psychologues ou orthophonistes) n'a pas encore été structurée comme une politique publique. L'absence de suivi statistique et le défaut d'indicateurs d'impact ne permettent pas d'en mesurer les conséquences", juge la Cour des comptes dans un rapport intitulé "L'organisation territoriale des soins de premier recours" publié ce 13 mai.

Ce rapport, accompagné de trois "cahiers territoriaux" (consacrés à la situation dans l'Aveyron, en Nouvelle-Calédonie et sur une communauté de communes de Loire-Atlantique), dresse un tableau bien connu : accès aux soins "de plus en plus contraint", des déséquilibres qui "s’aggravent entre la demande et l’offre", un volume de soins programmés de plus en plus important laissant peu de place aux soins non-programmés, de plus en plus de patients sans médecin traitant, des territoires sérieusement carencés et de surcroît enclavés, des "taux de passages aux urgences sans gravité particulière" parfois très élevés, un "risque de relations parfois dégradées entre les professionnels de santé et les patients"…

La Cour évoque les divers "plans ou mesures" qui se sont succédé depuis les années 1990 pour "mieux organiser les soins de premier recours, en améliorer l’efficacité ou équilibrer leur répartition géographique" : des dispositifs d'abord principalement "orientés vers les médecins traitants", puis le développement de structures favorisant l'exercice "coordonné" des différentes professions, et enfin vers "la recherche d'économies de temps médical".  Les lois adoptées entre 2016 et 2022 traduisent "une volonté de construire une stratégie", mais la mise en oeuvre concrète "s'est révélée instable et peu intelligible", sans "cohérence d'ensemble", estime la Cour. Les délégations de tâches médicales restent aussi "moindres en France" qu'ailleurs.

La Cour constate que "les bilans effectués décomptent le nombre de dispositifs déployés, s’intéressent parfois aux montants mobilisés mais détaillent peu les difficultés rencontrées et ne rapprochent pas les résultats obtenus des ambitions affichées". "Le contraste est donc important entre des mesures annoncées et le 'sentiment d’abandon' que peuvent connaître les habitants des territoires les plus fragilisés", écrit-elle, poursuivant : "Qu’il s’agisse des aides directes aux professionnels de santé, destinées à favoriser leur installation ou leur maintien en zones fragiles, ou de celles visant à développer l’exercice coordonné entre professionnels ou à économiser le temps médical, la multiplication de ces dispositifs dont certains sont encore en phase de montée en charge, et leur instabilité dans le temps rendent une consolidation globale des résultats très difficile".

S'appuyant sur le territoire de la Loire-Atlantique, le rapport met en avant l’intérêt d’"actions proches du terrain et adaptées aux réalités locales", estimant que "dans leur multiplicité et leur diversité, les aides accordées par les collectivités territoriales en complément des dispositifs nationaux y ont contribué à une dynamique", certes "encore fragile ou insuffisante".

Les aides nationales existantes "au service de ces projets territoriaux" devraient être "adaptées", en devenant "plus sélectives et ciblées sur les territoires ou les patients les plus vulnérables", considère la Cour. Et "dans les territoires les plus carencés, des interventions plus volontaristes sont indispensables, cependant, avec le déploiement si nécessaire de centres de santé hospitaliers ou le déploiement de cabinets médicaux secondaires, soutenus par des aides à la construction et l’aménagement et – à terme – par une obligation d’exercice partiel en zones sous-denses, en contrepartie de la possibilité donnée aux médecins, généralistes et spécialistes, de s’installer dans des zones les mieux dotées".

Les recommandations de la Cour

1. "Inscrire dans les missions des schémas territoriaux de santé la réduction des inégalités sociales et territoriales de santé" ;

2. "Établir au niveau national un suivi annuel de la politique d’amélioration de l’accès aux soins de premier recours" ;

3. "Prévoir (…) qu’une part des aides à la création d’emplois d’assistants médicaux soit allouée, de manière distincte, sur des critères de priorités territoriales" ;

4. "Conditionner l’aide apportée aux différentes structures d’exercice coordonné par la signature de protocoles" ;

5. "Encourager les médecins à venir exercer à temps partiel dans les zones manquant de professionnels de santé : à court terme en complétant les aides des collectivités territoriales à l’équipement de cabinets secondaires ; et, à plus long terme, en conditionnant toute nouvelle installation dans les zones les mieux dotées en médecins à un engagement d’exercice partiel dans les zones les moins bien dotées" ;

6. "Étendre aux médecins hospitaliers exerçant dans des centres de santé hospitaliers la possibilité de percevoir une rémunération partiellement indexée sur leur activité" ;

7. "Dans les zones manquant de professionnels de santé, confier aux hôpitaux une mission d’intérêt général nouvelle, consistant à déployer des centres de santé polyvalents".

 

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