Une charte forestière pour concilier économie et agroécologie (85)

En territoire bocager, l’arbre est historiquement intégré au paysage, pour son intérêt agroécologique aussi bien qu’économique. Confrontés à la disparition des pratiques bocagères, les élus du Pays de Pouzauges ont choisi le cadre de la charte forestière territoriale pour mener de front le développement d’une filière bois local et la préservation de l’environnement.

Le Pays de Pouzauges présente un aspect bocager typique, avec quelques massifs forestiers mais surtout un boisement morcelé, constitué d’une part de haies délimitant des parcelles en polyculture-élevage, et d’autre part de taillis de châtaigniers, liés à des fermes et exploités pour les besoins de chauffage et de clôture. Au début des années 2000, les élus font le constat d’un paysage qui se modifie. Les boisements ont perdu de leur intérêt pour les usages agricoles et dépérissent sans être exploités. La diminution des haies, faute de nouvelles plantations crée des problèmes d’érosion sur les zones pentues, têtes de bassin versant. Les élus souhaitent alors impulser la création d’une filière bois locale, pour redonner aux propriétaires de boisements un intérêt à leur bonne exploitation.

Un projet inabouti de charte forestière en 2006

« Notre première action en partenariat avec le Centre régional de la propriété forestière a été la réalisation d’un diagnostic et d’un inventaire des boisements, explique le conseiller environnement de la collectivité, François Papin. 99 % des boisements ne sont pas soumis à l’obligation d’un document de gestion, car leur superficie est inférieure à 4 ha. L’objectif était d’amener les agriculteurs à reconsidérer le rôle agroécologique de l’arbre dans leur exploitation. » En 2006, constatant la dynamique du territoire, la direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (DRAAF) l’invite à se doter d’une charte forestière. À l’époque, cet outil créé par une loi de 2001 n’a été déployé que dans le Sud et l’Est de la France, territoires de grands massifs forestiers. Un plan d’actions voit le jour, mais reste inappliqué car peu pris en compte politiquement à l’époque.

La filière bois-énergie émerge dès 2007

La dynamique s’enclenche cependant, grâce à un premier projet de chaufferie, qui lance la filière bois énergie locale. En octobre 2007, la commune du Boupère (3.200 habitants) est la première de Vendée à s'équiper d'une chaudière collective à bois déchiqueté, pour chauffer son Ehpad. Afin de garantir l’approvisionnement local, la communauté de communes propose des plans de gestion de haie auprès des agriculteurs, avec l’accompagnement technique de la chambre d’agriculture et le soutien financier du conseil départemental. « Deux autres chaufferies suivent sur le territoire de la communauté de communes, en 2009 et 2010, générant un besoin d’approvisionnement de 700 à 800 tonnes de bois par an. La quatrième chaufferie du territoire sera mise en service en 2022, pour chauffer le centre aquatique du Pays de Pouzauges. Avec un besoin d’approvisionnement de 450 tonnes de bois, elle va conforter la filière bois-énergie », souligne le conseiller environnement.

La charte forestière relancée

En 2014, le projet de charte forestière est relancé, à la suite de la DDmarche proposée par la Banque des Territoires et accompagnée par le Centre Permanent d'Initiatives pour l'Environnement (CPIE) Sèvre et Bocage. La base de connaissances est mise à jour et 78 % de la surface forestière, non concernée par des documents de gestion durable (soit plus de 1.200 ha) est désormais inventoriée. Ce travail aboutit à la mise au point d’un nouveau plan d’actions, avec l’appui des partenaires techniques et institutionnels, et la signature d’une charte forestière par 18 acteurs locaux en 2017. Un chargé d’animation de la charte forestière est embauché conjointement par la collectivité et par le Centre régional de la propriété forestière (CRPF) de 2017 à 2020. C’est ensuite le conseiller environnement du Pays de Pouzauges qui reprend le pilotage des 14 actions de la charte forestière.

Un soutien à la plantation et l’exploitation des haies

La charte forestière prévoit l’attribution de subventions à des actions sylvicoles, comme le marquage pour éclaircie ou l’amélioration des dessertes forestières. Ces subventions sont attribuées sur engagement du propriétaire à des pratiques de gestion durable. En 2021, après quatre ans d’animation de la charte forestière, 50 % des surfaces boisées de plus de 4 ha sont ainsi passées sous document de gestion durable. Pour contrer la diminution du linéaire, la collectivité apporte aussi un soutien financier à la plantation, l’exploitation et la valorisation des haies. « Le programme de plantation est vraiment un sujet du quotidien, avec un accompagnement technique et la fourniture de plants et de paillage, reprend le conseiller environnement. Nous sollicitons les agriculteurs, les communes ainsi que les entreprises dans le cadre de leur politique de responsabilité sociétale des entreprises. Une entreprise locale a ainsi financé 400 mètres de haie chez un agriculteur. »

Amplifier et diversifier la valorisation du bois local

Maintenant que la filière bois énergie est en place, la charte s’applique à amplifier et diversifier la valorisation du bois local. À titre d’expérimentation et modèle, plusieurs communes ont réalisé des aménagements extérieurs, en 2019 et 2020. Depuis 2019, la collectivité attribue des aides aux particuliers pour des construction ou rénovations d’habitat exemplaire en matériaux biosourcés, notamment le bois local. « Nous soutenons aussi la diversification de la filière bois déchiqueté, déjà en place pour l’approvisionnement des chaufferies, en paillage par exemple. Nous travaillons à l’émergence d’un "tiers-lieu bois" et d’une plateforme de stockage. » Pour sensibiliser le grand public à la réappropriation de l’usage du bois, la collectivité a organisé en octobre 2021 « la semaine du bois local », avec des animations de débardage et la venue d’une scierie mobile.

Expérimentation des paiements pour services environnementaux

Un nouveau maillon se met en place fin 2021. La collectivité a été retenue par l’Agence de l’eau Loire-Bretagne pour être territoire d’expérimentation des paiements pour services environnementaux. Ce dispositif d’aides est destiné à rémunérer le travail des exploitants agricoles pour maintenir l’élevage notamment par des pratiques agricoles favorisant le maintien des prairies et l’autonomie de l’exploitations mais aussi une meilleure prise en compte des infrastructures écologiques que sont les haies et zones humides. 13 exploitations du territoire ont été sélectionnées pour participer à cette expérimentation.

Un œil sur le budget

Le pilotage de la charte forestière représente 0,75 équivalent temps plein (ETP). La collectivité alloue un budget annuel de 50.000 € pour des actions d’ingénierie environnementale, de plantation et de communication.

Dans le cadre du programme « Territoire engagé pour la nature », la collectivité pilote un budget de 800.000 € de subventions pour le monde agricole, alloué par l’Agence de l’eau Loire-Bretagne.

Communauté de communes du Pays de Pouzauges

Nombre d'habitants :

23000

Nombre de communes :

10
Maison de l'Intercommunalité, La Fournière
85 700 Pouzauges

Dominique Blanchard

Vice-président, en charge de la transition environnementale

François Papin

Conseiller environnement

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