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Les maires en plein vague à l'âme

Baisse des crédits, réforme de la fiscalité, relations avec les intercommunalités, accès aux services de proximité … : après une année de relations tendues avec l'Etat, le 101e congrès des maires de France qui se tient du 20 au 22 novembre à Paris reflétera les préoccupations des élus qui craignent une remise en cause des fondamentaux de la décentralisation.

Les écharpes bleu-blanc-rouge vont-elles faire cause commune avec les gilets jaunes ? Le congrès de l'Association des maires de France (AMF) qui se déroule du 20 au 22 novembre à Paris ne manquera pas, en tout cas, de refléter le malaise des édiles qui s'est exprimé dans une récente enquête réalisée par le Cevipof (Sciences Po) en coopération avec l'AMF : près de la moitié des maires interrogés envisagent de ne pas se représenter aux prochaines municipales, en 2020, et cette proportion monte à 55% dans les plus petites communes.    Un phénomène qui, s'il n'est pas nouveau, s'accentue. En cause : l'inquiétude des élus face au poids des responsabilités et au manque de moyens financiers pour les assumer.
Le thème choisi pour cette 101e édition, "Servir le citoyen et agir pour la République", qui s'accompagne d'une campagne de communication visant le grand public, entend donc une nouvelle fois rappeler le rôle essentiel des communes pour faire vivre la démocratie de proximité, après ce qui a été vécu comme une "annus horribilis", selon les termes d'André Laignel, premier vice-président délégué de l'AMF.
Précédé ce 19 novembre, au Sénat, de la journée des outre-mer, sur les problématiques spécifiques à ces collectivités, ce 101e congrès donnera l’occasion de débattre, d’échanger et d’interpeller les pouvoirs publics sur des enjeux majeurs comme les relations entre les communes et leurs intercommunalités, l’avenir de la décentralisation, l’accès aux services essentiels de proximité ou encore l’évolution des finances locales. Il permettra ainsi de faire le bilan d’un an de relations tendues avec l’État, a prévenu l'AMF.

Absence du président de la République

Signe de la crispation actuelle : Emmanuel Macron n'ira pas devant le congrès pour rendre compte de ses engagements, alors qu'il avait indiqué en 2017 qu'il s'inviterait "tous les ans". Le chef de l'Etat s'exprimera en revanche mercredi soir devant les maires invités à l'Elysée. Il vient aussi d'écrire à "tous les maires" pour "rendre compte" des mesures prises depuis un an, a fait valoir Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires. Le Premier ministre Édouard Philippe devrait, lui, prononcer jeudi le discours de clôture du congrès. "Il y a des désaccords" mais "ce qui importe, c'est qu'on puisse négocier", a estimé dimanche François Baroin (LR), président de l'AMF, qui ne veut plus de "l'addition de mauvaises manières, de mauvaises méthodes" de la part du gouvernement. Après une quasi-rupture fin septembre lors du congrès des régions, le chef de l'Etat a cherché à rétablir le dialogue avec les collectivités. Il a nommé Jacqueline Gourault pour cela, et l'exécutif a multiplié les rencontres avec les élus. "Tenons moins de propos de tribune, faisons plus de pas concrets et faisons-les ensemble !", plaide Sébastien Lecornu, ministre des Collectivités territoriales auprès de Jacqueline Gourault. "Nous n'y parviendrons pas en montant les collectivités contre l'État", ajoute-t-il à l'adresse de François Baroin. Le chef de l'Etat rappellera mercredi "sa vision de la relation avec les collectivités locales, avec lesquelles il souhaite reprendre une relation apaisée, et l'importance qu'il attache au dialogue", indique-t-on à l'Elysée.  Finances locales, sécurité, inégalité d'accès aux services de proximité, figurent parmi les nombreux thèmes au programme. Et plusieurs ministres - Jean-Michel Blanquer (Education), Annick Girardin (Outre-mer), Julien Denormandie (Ville) ou Mounir Mahjoubi (Numérique) - viendront débattre. Sébastien Lecornu, lui, n'est pas invité à ce stade, mais "espère que François Baroin a, de bonne foi, la volonté que nous travaillions bien ensemble".

Taxe d'habitation : quelle compensation

Les élus attendent pour leur part des réponses concrètes sur plusieurs dossiers. Au premier rang : les conditions dans lesquelles va être compensé pour les communes le montant de la taxe d'habitation que l'exécutif a commencé à supprimer. Plusieurs scénarios sont évoqués pour garantir aux communes l'équivalent de cette taxe qui constitue l'une de leurs principales ressources, mais rien n'est décidé. Les maires redoutent une réforme mettant à mal l'autonomie fiscale des collectivités à laquelle ils sont attachés.  Plus globalement, la réforme de la fiscalité locale qui doit être discutée dans les prochains mois inquiète les élus. "Le grand test va être la refonte de la fiscalité locale où il ne sera pas question de jouer les uns contre les autres", met en garde le président du Sénat, Gérard Larcher (LR). Les trois grandes associations d'élus - AMF, Assemblée des départements, Régions de France - entendent d'ailleurs montrer à nouveau leur unité porte de Versailles.

"Promesses non tenues"

Lors de la présentation des temps forts du congrès, le 7 novembre, les responsables de l'AMF avaient rappelé l'équation financière qui s'imposait aux collectivités, après une année de "promesses non tenues", selon André Laignel : "On nous avait assuré que 99% des communes auraient une stabilité de leurs dotations. Au final, plus de 16.000 d’entre elles ont vu baisser leurs ressources". Les PLF pour 2018 et 2019 se traduisent par une baisse de 10 milliards d'euros de crédits, a-t-il calculé. "Il n'y jamais eu de politique de réduction aussi massive des crédits. Cela remet en cause les fondements mêmes de la décentralisation", a pointé  François Baroin, en soulignant que "cet effort aura un impact sur l'investissement mais aussi le tissu économique et l'emploi". Autres points de friction : la baisse des APL "qui a gelé et bloqué la production de logements sociaux", sans oublier la contractualisation. "Nous ne contestons pas son principe, prévient François Baroin. Mais telle qu'elle est, ce n'est pas un contrat. Nous avons demandé une clause de revoyure que nous attendons toujours", a-t-il ajouté.

Décentralisation "menacée"

Plus largement, les maires de France jugent la décentralisation "menacée" et plus particulièrement la commune, sous le double effet de la réduction des moyens et du transfert de compétences à d'autres niveaux. La campagne #balancetonmaire, lancée mi-octobre par des militants d'En Marche sur les réseaux sociaux, pour dénoncer des hausses de la taxe d'habitation dans certaines communes, a été vécue comme une humiliation par nombre d'élus et alimente le malaise. "On a des messages à faire passer. Il y a des choses positives, de l'innovation forte dans les territoires, des gens qui restent très engagés... mais on va aussi faire passer qu'il ne faut pas trop tirer sur la corde", souligne le secrétaire général de l'AMF, Philippe Laurent (UDI). La campagne de communication #MaCommuneJyTiens, dont la première séquence, lancée à l'occasion du congrès et appelée à durer jusqu'en décembre, entend donc éclairer les citoyens sur les différentes missions de proximité assurées par les communes et les élus et sur leur rôle essentiel dans une "République de proximité". Elle sera suivie d'une deuxième séquence de janvier à juin qui jouera davantage sur le registre émotionnel en montrant que la commune, par ses compétences, accompagne les temps forts de la vie des habitants.
Quant à la résolution finale du congrès, conçue comme la "ligne de conduite" de l'AMF pour 2019, selon les termes d'André Laignel, elle s'annonce plutôt ferme. "Le statu quo n'est plus possible", a prévenu François Baroin le 7 novembre et l'AMF compte se placer "dans une logique de négociation avec une plateforme de revendications sur la base de laquelle les discussions devront s'engager avec les pouvoirs publics".

 

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