Évaluation des politiques publiques : les collectivités font preuve d'appétence
La Société française de l'évaluation (SFE) vient de publier la quatrième édition de son baromètre de l'évaluation des politiques publiques, qui dresse un bilan de la pratique évaluative entre 2007 et 2020. Elle révèle que, s'agissant du nombre d'évaluations lancées sur la période, les collectivités font jeu égal avec l'État.
L'évaluation des politiques publiques a "de plus en plus" d'adeptes dans le secteur public local, et pas uniquement auprès des collectivités les plus grandes, se félicite Isabelle Duchefdelaville, présidente de la Société française de l'évaluation (SFE). Le baromètre de l'évaluation des politiques publiques 2021, que l'association vient de publier, témoigne de l'intérêt croissant, dans le monde public local, pour cet exercice qui consiste à "apprécier la valeur des actions [publiques] menées, afin de les améliorer". Ainsi, entre 2007 et 2020, les collectivités et leurs groupements ont initié autant d’évaluations que l’Etat (y compris agences et établissements publics).
Pour l'ensemble du secteur public, un peu plus de 200 évaluations annuelles sont recensées au cours des deux dernières années étudiées (2019 et 2020). Le résultat est largement inférieur à celui des années 2014 et 2015 : alors au plus haut, le nombre d'évaluations de politiques publiques dépassait 300. Ce fléchissement est à interpréter avec prudence, prévient la SFE, car un certain nombre de travaux d'évaluation, qui ne donnent pas lieu à une publication, échappent aux radars.
Locomotives régionales
Par ailleurs, cette tendance globale "masque des dynamiques contrastées entre les différents acteurs de l’évaluation", souligne l'association. En effet, si l'évaluation initiée par l'État marque le pas, celle des collectivités suit à l'inverse une courbe ascendante. Résultat : les deux sphères "se rééquilibrent". Ainsi, au total, sur les 3.304 travaux d'évaluation recensés sur la période 2007-2020, 43% ont été conduits par les collectivités, soit exactement la même part que pour l'État. Il faut, au passage, noter que le nombre des évaluations des collectivités est "certainement" sous-évalué, car ces dernières "publient peu leurs travaux, contrairement à l’État".
Incontournable dans la gestion des fonds européens, l'évaluation est ancrée chez les régions, qui représentent 38% des évaluations des collectivités entre 2007 et 2020. La pratique s'est aussi répandue dans les intercommunalités (25%), notamment à la faveur de l'évaluation de la mise en œuvre des contrats de ville. Les départements (23%) les suivent de près, tandis que les communes (15%) sont plus loin.
L'évaluation a davantage été mise en oeuvre jusqu'à présent par les organismes publics des régions Ile-de-France et Auvergne-Rhône-Alpes, mais elle tend à "se généraliser dans tous les territoires métropolitains et ultramarins".
Toutefois, selon la présidente de la SFE, beaucoup d'élus locaux considèrent encore que l'évaluation constitue "d'abord un exercice très technocratique, dans lequel il n'y a que des coups à prendre". D'où de fortes réticences à se lancer.
Évaluations en cours de programme
Autre enseignement du baromètre : les travaux évaluatifs des collectivités portent principalement sur le développement local (17%), le développement économique (16%) et la santé et la solidarité (15%).
Les deux tiers des évaluations décidées par les collectivités ont été confiées à des cabinets privés pour leur réalisation, mais celles qui sont menées en interne gagnent du terrain, représentant 12% des travaux de la période 2007-2020. Certaines collectivités veulent "s'approprier la maîtrise du déploiement de la démarche et éviter des dépenses de marché", indique la présidente de la SFE. Mais les auteurs des évaluations menées en interne ont-ils la même objectivité que des intervenants externes ? Isabelle Duchefdelaville se veut rassurante : "Si l'évaluation est trop visiblement non indépendante, elle fait un flop, parce qu'elle fait l'objet d'une observation très vigilante, y compris de l'opposition".
Les évaluations du secteur public dans son ensemble sont d'abord réalisées en cours de programme (45% des cas), ou en fin de programme (25%). Les évaluations réalisées après ("ex post"), ou avant (ex ante) la mise en oeuvre de l'action publique sont plus rares (respectivement 19% et 11%).
Pour développer encore l'évaluation, la SFE entend, via ses clubs régionaux (existants ou futurs), créer des "écosystèmes" favorisant les échanges et les mutualisations entre acteurs. "Le travail qu'a fait une collectivité pourrait tout à fait inspirer celui d'une autre, qu'il s'agisse par exemple de la méthodologie, ou du cahier des charges", estime Isabelle Duchefdelaville. Un "inventaire des ressources" existant en matière d'évaluation lui paraît donc indispensable à établir. Tel un "agent pollinisateur", la SFE souhaite contribuer à cet exercice.