Environnement - Epandages de pesticides : les associations alertent sur l'opacité réglementaire

Le 4 novembre, sept associations environnementales ont alerté sur la teneur des discussions en cours au niveau interministériel en vue de réécrire un arrêté sur l'épandage des pesticides près des habitations et points d'eau. Ils invitent les élus et riverains à se saisir de la question, à monter au créneau pour éviter une régression et à réclamer plus de transparence sur cet enjeu de santé publique.

Le 4 novembre, sept associations environnementales (1) ont alerté, lors d'un point avec la presse, sur la rédaction d'un arrêté crucial encadrant les conditions d'épandage des produits phytosanitaires. Ce projet de texte implique trois ministères différents - Agriculture, Environnement et Santé. Bien qu'étant très technique et toujours en cours de rédaction, il suscite de vives réactions.

Un arrêté chasse l'autre

Et pour cause : il est voué à remplacer un précédent arrêté datant de 2006, retoqué l'été dernier par le Conseil d'Etat pour vice de forme et qui ne sera plus valable dans deux mois. "Donc le temps presse pour ne pas se retrouver dans un vide juridique avant la reprise des épandages", en déduit Benoît Hartmann, porte-parole national de France Nature Environnement (FNE). A noter qu'il est toujours possible qu'à ce stade, les arbitrages débouchent sur un statut quo et qu'au final nulle retouche ne soit apportée à l'arrêté de 2006.
Cet arrêté d'origine intéresse à plusieurs titres les maires de communes proches des zones de cultures. "Et pas seulement de zones de cultures céréalières intensives. Mais aussi les élus et riverains proches de simples exploitations agricoles ou de zones maraîchères où l'on pulvérise très fréquemment, par exemple dans ma région près de villes comme Saint-Malo", précise Jean-François Deleume, un médecin membre du plan régional santé-environnement (PRSE 3) qui, en Bretagne, sera signé l'an prochain.

Les tensions s'avivent

Autre territoire évoqué, le Bordelais, où culminent les tensions entre viticulteurs, élus locaux et riverains des zones traitées. "Avant que le dialogue ne soit plus possible, il est temps de se mettre tous autour de la table pour trouver sérieusement des alternatives. La révision de cet arrêté en était l'occasion… mais elle est visiblement ratée ! L'opacité autour de sa rédaction est de mise. La consultation publique n'est prévue qu'en bout de course, une fois que tout sera acté", regrette-on à la Fédération nationale d'agriculture biologique (Fnab).
L'arrêté de 2006 délimite la largeur des zones non traitées, interdit de pulvériser si le vent souffle en laissant la possibilité à l'agriculteur d'en juger à l'œil nu, protège à minima les cours d'eau, etc. "Des dispositions souvent insuffisantes mais qui ont le mérite d'exister et doivent au contraire être améliorées. Or il est question de les saboter ! Cela serait une terrible régression", craint Benoît Hartmann.

Proximité des cours d'eau et habitations

Distances minimales par rapport aux habitations et cours d'eau, critère de la force et direction du vent, délais d'exposition minimaux, le futur texte est bien parti pour remettre plusieurs aspects à plat. Au cœur du dossier figure la taille des zones tampons - ou bandes de protection sans pesticide à proximité des cours d'eau. Leur largeur est d'au moins cinq mètres. Or le projet de nouvel arrêté introduit une dérogation pour qu'elle soit réduite à portion congrue (trois mètres) si le cours d'eau est discontinu et figure en traits pointillés sur les cartes IGN.
"Ce qui ne se justifie pas ! Ces cours d'eau, même en pointillés car intermittents, sont des milieux naturels déjà fragilisés et souvent situés en tête de bassin versant", appuie-t-on chez Eau et Rivières de Bretagne. Dans une vingtaine de départements, les préfets ont d'ailleurs pris des arrêtés pour renforcer leur protection. "Si tous les départements s'y mettaient, ce serait un progrès. Côté scientifique, les avancées sont nettes depuis une dizaine d'années. L'impact sanitaire de l'utilisation du chlordécone aux Antilles a été démontré par l'Inserm. Sur la nocivité de l'herbicide glyphosate, les études en revanche manquent en France. De même sur la nocivité des pesticides présents dans l'air", pointe en guise de conclusion Jean-François Deleume, qui est par ailleurs représentant d'Eau et Rivières de Bretagne.

Morgan Boëdec / Victoires éditions

(1) Eau et Rivières de Bretagne, France Nature Environnement (FNE), la fondation Nicolas-Hulot, l'ONG Women in Europe for a Common Future (WECF), l'association Alerte Médecins sur les pesticides, la Fédération nationale d'agriculture biologique (Fnab) et Générations futures.