Don ou legs au profit d'une collectivité locale ou d'un EPCI : ses conditions sont-elles perpétuelles ?

Constat : Il n’est pas rare que des collectivités territoriales, voire l’un de leurs établissements publics ou groupements, soient bénéficiaires de dons et de legs. Ces derniers peuvent être grevés d’une ou de plusieurs charges, c’est-à-dire des conditions à respecter pour l’avenir. Il peut s’agir par exemple de l’interdiction faite au donataire ou au légataire de revendre le bien ou de modifier son affectation, ou bien encore de l’astreindre à l’entretien de la parcelle dont il est devenu propriétaire. Ces impératifs peuvent parfois s’avérer difficiles à honorer à long terme. Doit-on considérer qu’ils ont une portée perpétuelle ?

Réponse : La collectivité bénéficiaire doit juridiquement, dès lors qu’elle a accepté la donation ou le legs, respecter les conditions portées dans l’acte, sous peine de s’exposer dans le cas contraire à une action en révocation.

Par ailleurs, l’article 900-1 du code civil dispose que « les clauses d'inaliénabilité affectant un bien donné ou légué ne sont valables que si elles sont temporaires et justifiées par un intérêt sérieux et légitime. Même dans ce cas, le donataire ou le légataire peut être judiciairement autorisé à disposer du bien si l'intérêt qui avait justifié la clause a disparu ou s'il advient qu'un intérêt plus important l'exige. ». Une collectivité territoriale peut se prévaloir de ces dispositions. La jurisprudence considère que toute clause d’inaliénabilité perpétuelle qui affecterait une donation consentie au profit d’une personne morale serait réputée non écrite, donc illégale.

En ce qui concerne d’autres types de conditions, seule une révision pourrait permettre de lever une charge devenue difficile, voire parfois impossible à assumer pour la personne publique. L’article L 1311-17 du code général des collectivités territoriales l’autorise en ces termes : « La révision des conditions et charges grevant les donations ou legs consentis au profit des collectivités territoriales, de leurs groupements et de leurs établissements publics est régie par les articles 900-2 à 900-8 du Code civil ». Le code civil énonce que « tout gratifié peut demander que soient révisées en justice les conditions et charges grevant les donations ou legs qu'il a reçus, lorsque, par suite d'un changement de circonstances, l'exécution en est devenue pour lui soit extrêmement difficile, soit sérieusement dommageable. »

Une telle requête n’est recevable que 10 ans après le décès du donateur (ou en cas de demandes successives, 10 ans après le jugement ayant ordonné la précédente révision). La collectivité gratifiée devra néanmoins attester qu’elle a pris toutes les dispositions nécessaires, avant cela, pour se conformer aux obligations qui s’imposaient à elle.

Le juge ainsi saisi tiendra compte du délai s’étant écoulé depuis la signature de l’acte et des diligences accomplies par la personne publique depuis lors. Mais il examinera aussi quelle aura été l’évolution de la situation : par exemple, une dépréciation du bien peut en regard faire supporter des charges d’entretien devenues excessives ; alors la révision pourrait être prononcée.

Parfois même, la collectivité peut le cas échéant modifier, en des termes raisonnables, l’affectation du bien reçu. A titre d’illustration, dans un arrêt datant de 1974, mais auquel nous pouvons toujours faire référence, le juge a estimé que le bénéficiaire, bien qu’en ayant modifié l’affectation du bien légué, avait respecté l’essentiel des volontés du disposant. Si la personne publique devait avoir cette intention, il conviendrait à tout le moins d’en informer expressément les ayants droit, par sécurité juridique. En cas d’opposition, une action en révision pourrait être intentée.

Références :

Article L 1311-17 du code général des collectivités territoriales ; articles 900-1 et suivants du code civil ; CA Reims 21 mai 2013 ; Cass. Civ. 14 mai 1974, n° 73-10.870

 

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