Aide médicale d'Etat : adaptable, mais pas condamnable, selon le rapport Evin-Stefanini

L'Aide médicale d'Etat (AME) pour les étrangers sans papiers, remise en cause par les sénateurs dans le cadre du projet de loi sur l'immigration, est "globalement maîtrisée", mais "mérite d'être adaptée", selon un rapport remis ce lundi 4 décembre au gouvernement.

Celui-ci a immédiatement ouvert la porte à une reprise de certaines mesures proposées par l'ancien ministre PS Claude Evin et le préfet et figure de LR Patrick Stefanini. Mais dans un futur texte spécifique. "Aucune proposition relative à l'AME ne peut être intégrée au projet de loi immigration en cours d'examen, ces dispositions étant sans rapport avec l'objet du texte", jugent dans un communiqué les trois ministres concernés, Gérald Darmanin (Intérieur) et le tandem Aurélien Rousseau et Agnès Firmin Le Bodo (Santé).

L'AME est régulièrement prise pour cible par la droite, qui l'accuse de générer un "appel d'air" pour l'immigration clandestine et de coûter "trop cher" - 968 millions d'euros en 2022 pour 411.364 bénéficiaires.

Pour Claude Evin et Patrick Stefanini toutefois, l'AME "est un dispositif sanitaire utile", "globalement maîtrisé" et "qui ne génère pas de consommations de soins faisant apparaître des atypismes, abus ou fraudes structurelles". Le nombre de bénéficiaires augmente, mais cette augmentation est liée à la hausse du nombre d'étrangers en situation irrégulière, et non à un dérapage du système, indique le rapport. La consommation trimestrielle moyenne par personne "est restée stable en dépit de l'augmentation du coût des soins", "de 642 euros en 2009 à 604 euros en 2022", observent les auteurs du rapport.

Pour eux, la création proposée par le Sénat d'une Aide médicale d'urgence plus restrictive entraînerait "une complexification générale", notamment pour apprécier ce qui relève des soins urgents et ce qui n'en relève pas.

Les deux rapporteurs n'en listent pas moins une série "d'adaptations" possibles. Ils proposent notamment de "retirer le droit à l'AME" aux "personnes frappées de mesures d'éloignement pour motif d'ordre public".

Les auteurs préconisent aussi de resserrer certains "critères d'éligibilité". Actuellement, l'AME est accessible aux étrangers en situation irrégulière présents en France depuis au moins trois mois - sous conditions de ressources inférieures au plafond de 809,90 euros par mois - mais aussi à leurs enfants, conjoints ou concubins. Cette "qualité d'ayant-droit" pourrait être réservée "aux seuls enfants mineurs", les autres membres devant alors déposer leur propre demande, estiment-ils, suggérant aussi de prendre en compte "les ressources de l'ensemble du foyer" pour l'admission à l'AME.

Les rapporteurs préconisent de "renforcer le suivi analytique" de la consommation de soins, informatiser la carte des bénéficiaires, ou porter la durée de validité du titre à deux ans au lieu d'un, permettant ainsi des contrôles "plus approfondis". Ils proposent également d'élargir la liste des prestations qui ne seraient plus délivrées automatiquement mais seulement après un accord avec l'Assurance maladie. Et suggèrent quelques adaptations pour lutter contre le "non-recours" et les "ruptures de droits". Selon les données disponibles, quelque 50% des potentiels bénéficiaires ne demandent pas l'AME. Parmi les mesures envisagées : l'organisation dès l'arrivée sur le territoire d'un bilan de santé ou encore l'extension aux bénéficiaires de l'obligation de déclarer un médecin traitant.

Patrick Stefanini et Claude Evin diffèrent sur quelques propositions : vérifier, avant des soins lourds et coûteux, que ces soins ne sont pas accessibles dans le pays d'origine, ou créer l'obligation pour le titulaire de l'AME d'effectuer une nouvelle demande de titre de séjour pour que son AME soit renouvelée.

 

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