TIC / handicap - Accessibilité des sites web du secteur public : le Sénat s'oppose au projet de directive
L'accessibilité intégrale des sites web du secteur public de tous les pays européens est programmée pour 2015. Dans sa stratégie, adoptée en 2010, la Commission européenne entendait, à travers une nouvelle directive, faciliter l'accès des personnes handicapées - et, de manière plus générale, de tous les citoyens - aux services publics en ligne (voir notre article du 7 décembre 2012). Or, fait assez inhabituel, la commission des affaires européennes du Sénat vient d'adopter une proposition de résolution, autrement dit l'équivalent d'une motion, demandant au gouvernement français de s'opposer à l'adoption de cette directive "dont la nécessité ne paraît pas clairement établie".
Comment en est-on arrivé là ? Rappelons que le projet européen propose d'harmoniser les mesures nationales d'accessibilité, en élaborant puis en imposant une norme qui mettrait fin à la fragmentation du marché. Jusque-là rien à dire. Mandat a donc été donné aux organismes de normalisation d'élaborer la nouvelle norme européenne. Or dans la commande passée, la commission précise qu'elle se conformera aux règles du WCAG 2.0 établies en 2008 par le consortium World Wide Web, règles ayant déjà donné lieu à la publication d'une norme mondiale ISO/CEI 40500:2012 que les développeurs européens de site web utilisent largement. Pourquoi dans ce cas imposer de nouvelles règles ? Les sénateurs ont estimé que celles-ci devenaient de fait inutiles. Les PME chargées du développement des sites auront "naturellement intérêt à s'aligner sur la norme ISO déjà en vigueur" en raison de la valeur ajoutée qu'apporte son utilisation, sans compter "le risque que la norme européenne finalement retenue diverge en partie de la norme ISO", ajoute insidieusement la commission sénatoriale…
Plusieurs sites français ont profité de cette évolution des normes d'accessibilité et les résultats sont encourageants. Le site de Légifrance aurait par exemple connu une augmentation de 50% de son audience grâce à une meilleure ergonomie (handicapés et usagers) et à une performance accrue du mode référencement. Aussi, plutôt que d'imposer une mise aux normes qui générera des charges administratives supplémentaires - fourniture par les sites d'une déclaration de conformité, mise en place d'un dispositif de contrôle – le Sénat propose de la remplacer par une communication sur les avantages de l'accessibilité en termes d'audience et de facilité d'utilisation. Elle invite en conséquence le gouvernement à s'opposer à la proposition de directive.
Le texte de la proposition de résolution devra toutefois attendre un éventuel retour après sa transmission à la commission des affaires sociales du Sénat, dans un délai d'un mois, pour être adopté définitivement et transmis très officiellement au gouvernement.