Rencontres sénatoriales de l’apprentissage : la réforme nécessitera des "ajustements"
Si la réforme de la formation professionnelle, et plus spécifiquement de l'apprentissage, est globalement bien accueillie par les acteurs de terrain, quelques critiques émergent toutefois. Les 19es rencontres sénatoriales organisées le 14 mars 2019 ont mis en avant le manque de place réservée aux régions et la nouvelle concurrence entre centres de formation d'apprentis (CFA) imposée par la loi Avenir professionnel.
La réforme de la formation professionnelle est bien accueillie par l'ensemble des acteurs de terrain et le gouvernement, à travers elle, montre sa volonté de développer l'apprentissage. C'est en substance ce qui est ressorti des 19es rencontres sénatoriales de l'apprentissage qui ont eu lieu le 14 mars 2019. Quelques critiques et inquiétudes ont toutefois été formulées. Parmi elles : le manque de place réservée aux régions dans le nouveau dispositif. Un point maintes fois entendu lors des discussions autour de la loi Avenir professionnel du 5 septembre 2018, qui a été une nouvelle fois évoquée au Sénat, notamment par Michel Forissier, sénateur LR du Rhône. Celui-ci n'a pas poussé la critique jusqu'à regretter le transfert de compétences des régions aux branches professionnelles en matière de gestion des centres de formation d'apprentis (CFA) - peut-être par bienséance, au vu de la large représentation des chambres de métiers et d'artisanat dans la salle et à la tribune ?
Une meilleure prise en compte des spécificités territoriales dans le coût-contrat
Michel Forissier a en revanche estimé qu'il fallait que la détermination du coût-contrat d’apprentissage tienne davantage compte des spécificités territoriales et des caractéristiques des formations elles-mêmes. Valérie Debord, vice-présidente de la région Grand Est, a quant à elle regretté que les frais de déplacement n’aient pas encore été intégrés au coût des formations.
Ces coûts contrats, c’est-à-dire le niveau de prise en charge des contrats d’apprentissage, se profilent assez logiquement comme étant l'un des points de difficulté de la réforme. La veille des rencontres sénatoriales de l'apprentissage, le conseil d’administration de France Compétences avait retoqué 30% des coûts contrats proposés par les branches professionnelles, et transmis par les opérateurs de compétences (Opco), estimant qu'ils étaient en dehors de la fourchette du niveau de prise en charge toléré. Les 163 commissions paritaires nationales de l’emploi concernées ont un mois pour retravailler leurs propositions sur les recommandations que France Compétences va leur retourner. Le ministère du Travail tranchera mi-avril par la publication d’un texte réglementaire.
Des inquiétudes sur l’ouverture à la concurrence
Valérie Debord a également appelé à la vigilance quant à l’ouverture à la concurrence des CFA. Faudra-t-il laisser disparaître sans rien faire des centres de formation compétents mais pas forcément bien armés sur le plan concurrentiel pour lutter contre des mastodontes du secteur ? L'arrivée des CFA d'entreprises inquiète aussi. Alors que les premiers candidats ont annoncé début mars le lancement de leurs formations (Safran, Schneider Electric...), parfois en commun (Accor, Sodexo, Korian, Adecco), le président des CMA, Bernard Stalter, pose la question : les CFA d’entreprise vont-ils former uniquement pour leur entreprise ou plus généralement ? Les entreprises auront une tendance naturelle à penser à leur intérêt avant celui des apprentis. Il faudra donc veiller à ce que les deux ne divergent pas trop. A surveiller aussi : que cette refonte du paysage de la formation ne se fasse pas qu’au bénéfice des entreprises de taille importante, qui auront plus facilement les moyens de créer leurs formations que les PME et TPE, même si les projets communs sont possibles et encouragés.
La réforme au milieu du gué pour l'orientation
Enfin, regret en forme de requête, Bernard Stalter a considéré que la réforme était restée "au milieu du gué" en laissant à l’Education nationale le soin de nommer les collaborateurs en charge de l’orientation. Selon lui, les régions et les branches professionnelles seraient plus à même d’assurer cette mission dans la nouvelle configuration.
Au-delà des suggestions et de quelques inquiétudes, ce qui s’est dégagé de ces rencontres, c’est toutefois surtout un regard positif sur cette réforme, chacun s'accordant sur la nécessité de mettre à profit cette année de transition pour procéder aux ajustements nécessaires, avant l’entrée en vigueur en janvier 2020.
Un verdict positif renforcé par les chiffres à la hausse de l'apprentissage : en 2018, 70.000 candidats à l’apprentissage ont formulé au moins un vœu, soit 25% de plus qu’en 2017. L’objectif est de 60.000 apprentis supplémentaires à l’horizon 2022.