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Baromètre AATF - Les Français, les territoriaux et les services publics : une confiance fragile

Sonder la vision que porte le grand public sur les services publics locaux et donc sur la gestion des collectivités… et croiser cette vision avec celle que les fonctionnaires territoriaux ont de leur propre action. Telle est l'ambition du "baromètre" de l'action publique locale dont la deuxième édition a été rendue publique ce 11 octobre par l'Association des administrateurs territoriaux de France (AATF).
De ce double sondage réalisé par l'Ipsos, l'AATF tire divers constats : un décalage entre les réponses obtenues et celles que l'on aurait communément pu attendre, des Français demandeurs de "plus d'action publique", une confiance intacte à l'égard des services locaux, une moindre confiance en l'avenir du côté des fonctionnaires, des marges de manœuvre réduites pour les collectivités… Tout ceci, à désormais dix-huit mois des prochaines élections municipales et dans un contexte quelque peu mouvant tant sur le terrain des relations État-collectivités locales que sur celui des réformes liées à la fonction publique.

Déserts médicaux, soutien au rural, horaires...

Selon ce baromètre, près de huit Français sur dix (79%) disent faire davantage confiance aux collectivités qu'à l'État (21%) pour organiser les services là où ils habitent. Huit sur dix (80%) sont également satisfaits des services fournis localement. Pour une majorité des répondants, la qualité des services rendus "reste au même niveau" (37%) ou s'améliore (22%) par rapport à il y a quelques années, contre 41% pour lesquels elle se détériore.
Les personnes interrogées sont en revanche partagées sur la capacité des collectivités à assumer leurs nouvelles missions, notamment dans les domaines économique et social. Si 47% pensent qu'elles peuvent y parvenir "sans avoir à augmenter les impôts locaux ou à baisser le niveau des prestations", 53% sont d'un avis contraire.
Cette proportion est inversée si l'on interroge les seuls fonctionnaires territoriaux, qui sont 55% à déplorer une perte de qualité, contre 45% pour lesquels celle-ci reste stable (26%) ou s'améliore (19%). Et ces fonctionnaires sont 72% à douter que les collectivités puissent remplir de nouvelles missions sans augmentation de leurs recettes.
Pour le grand public, les principaux domaines dans lesquels il faudrait augmenter les dépenses des collectivités sont, pêle-mêle, les pompiers, la formation des infirmières, la petite enfance, la formation des demandeurs d'emploi... "Malgré les contraintes régulièrement rappelées par les pouvoirs publics d'une nécessaire maîtrise de la dépense, les Français ne sont pas en demande de moins d'action publique", commente l'AATF. En sachant qu'en termes de politiques publiques suscitant des attentes, les premières citées sont la question des déserts médicaux, le soutien aux zones rurales et l'adaptation des horaires des services publics.
Pas moins de 82% des sondés disent préférer que les collectivités locales "choisissent elles-mêmes la façon de faire des économies" et ils seraient 88% à affirmer soutenir l'idée d'un pouvoir d'adaptation locale des normes nationales.

L'ouverture aux contractuels ne fait pas recette

S'agissant de l'image de la fonction publique, 68% des personnes interrogées ont une "bonne opinion" des fonctionnaires territoriaux… tandis qu'ils ne sont que 46% à avoir une opinion positive des fonctionnaires d'État. "Les Français sont moins critiques qu'on ne pourrait le penser" à l'égard des fonctionnaires, mais leur attachement serait lié à la proximité, analyse Fabien Tastet, le président de l'AATF. Celui-ci y voit même le reflet d'une "fracture entre Paris et la province", le fonctionnaire d'État étant probablement identifié par le grand public comme un haut-fonctionnaire d'administration centrale.
Autre signal allant potentiellement à contre-courant des perceptions dominantes : 77% des Français souhaitent que le statut de la fonction publique - et donc le principe du concours - soit maintenu et ils seraient 43% à souhaiter le maintien de la garantie de l'emploi à vie.
Quant aux agents territoriaux eux-mêmes, tout en défendant évidemment le statut, ils se montrent "plus ouverts qu'on ne le croit", constate Fabien Tastet : ils ne sont pas opposés à un assouplissement de leur statut (58%), à un renforcement des pouvoirs de l'employeur (y compris par exemple pour faciliter le licenciement en cas d'inaptitude ou d'insuffisance professionnelle) ou à un régime de retraite unique avec le privé (55%).
Autre point sur lequel les visions du grand public et des agents semblent majoritairement concorder : la question de l'ouverture aux contractuels. "Une large majorité de Français (65%) estime qu'il faudrait limiter le nombre de cadres issus du privé dans l'administration (73% des fonctionnaires partagent cet avis). 89% des Français (et 91% des fonctionnaires) estiment que le recrutement de cadres issus du privé doit également s'accompagner de principes et de règles déontologiques", résume l'AATF.
L'association, qui se définit comme un "think-tank des hauts fonctionnaires territoriaux", y voit "un démenti" face au projet du gouvernement d'ouvrir largement les postes de la haute administration aux contractuels. Une disposition en ce sens avait, rappelons-le, été introduite dans le projet de loi "Avenir professionnel", avant d'être retoquée par le Conseil constitutionnel en tant que cavalier législatif. Une disposition contre laquelle l'AATF s'était élevée et sur laquelle elle compte poursuivre son "combat" de lobbying. Oui à une ouverture, mais à condition de l'encadrer rigoureusement, dit en substance Fabien Tastet, qui propose par exemple l'établissement d'un plafond à 25%.

Des "avertissements"

Sur d'autres questions abordées au fil de ce baromètre, Fabien Tastet établit là encore un parallèle avec les réformes promues par le gouvernement et les positions défendues par son association. Il juge notamment que les opinions émises sur les fonctionnaires montrent que "si le gouvernement s'y prend bien, il existe un chemin pour qu'une réforme de la fonction publique soit possible et acceptée". Il considère en revanche que la "déprise" exprimée par les agents devrait alerter quant à certains "rendez-vous manqués" (point d'indice, report de PPCR…).
Sur le terrain des politiques publiques locales, le président de l'AATF parle également d'une "forme d'avertissement" : la primauté de la proximité exprimée par les sondés serait à prendre en compte dans "le contexte de crispation" entre les représentants des collectivités et l'État. Il souligne par ailleurs que "les marges de manœuvre des collectivités sont derrière nous" : "On peut espérer stabiliser les dépenses, mais guère plus. Il n'y a plus de grandes perspectives d'économies. En ce sens, la contractualisation financière qui a été instaurée est un peu paradoxale", déclare-t-il. En ajoutant que ces marges de manœuvre seront évidemment plus réduites encore dès lors que le bloc local, avec la suppression de la taxe d'habitation, ne disposera pratiquement plus de pouvoir de taux. Et Fabien Tastet de rappeler que son association avait proposé que la taxe d'habitation soit remplacée par le transfert d'une part de CSG avec, précisément, un pouvoir de taux. Tout comme elle avait proposé que la contractualisation porte non sur les dépenses de fonctionnement des collectivités mais sur leur solde de financement, ce qui aurait laissé les collectivités plus "libres de leurs choix".

 

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