Présidentielle - Entre méconnaissance du code électoral et petits accommodements, plus de 16.000 suffrages annulés
Absence de membres du bureau, fermeture du bureau de vote avant 19 heures, bulletins blancs fournis aux electeurs, manque de rigueur dans le dépouillement... les suffrages exprimés le 7 mai dans 38 bureaux de vote de 24 communes ont été annulés par le Conseil constitutionnel.
Le Conseil constitutionnel a proclamé officiellement mercredi 10 mai l'élection d'Emmanuel Macron à la présidence de la République, avec 66,10% des voix contre 33,90% à Marine Le Pen au second tour de l'élection présidentielle. Emmanuel Macron a recueilli 20.743.128 voix, contre 10.638.475 voix à la candidate du Front national. L'abstention s'est élevée à 25,44%, en hausse de plus de 3 points par rapport au premier tour (22,23%). Les pourcentages annoncés par le Conseil constitutionnel sont sans changement par rapport à la totalisation des résultats diffusée lundi matin par le ministère de l'Intérieur.
Sur un total de 47.568.693 électeurs inscrits, le nombre de votants s'est élevé à 35.467.327. Le nombre de bulletins blancs est de 3.021.499, celui des suffrages valablement exprimés de 31.381.603, selon les chiffres du Conseil.
Celui-ci a annulé 16.467 suffrages exprimés "en raison d'irrégularités constatées dans 38 bureaux" de 24 communes, sur un total de 69.242 bureaux de vote, "soit 0,05% du total des suffrages exprimés", a précisé le président du Conseil constitutionnel, Laurent Fabius. "C'est-à-dire que dans l'ensemble, les règles du processus électoral ont été respectées", a-t-il souligné.
Le manque d'assesseurs n'a pas pesé
16.467 suffrages annulés… c'est toutefois près de quatre fois plus qu'au premier tour, où 4.691 annulations avaient été prononcées, concernant 12 bureaux de 12 communes différentes (lire notre article du 27 avril "Irrégularités du scrutin : on ne badine pas avec le code électoral ).
Alors qu'au premier tour, les communes ayant connu des annulations étaient essentiellement des petites communes, le second tour a donné lieu à des irrégularités y compris dans quelques grandes villes… puisque Nice et Toulouse sont concernées.
Dans l'un des bureaux de vote de Nice, c'est la fameuse question des assesseurs qui a été en cause : ce bureau n'avait aucun assesseur. Toutefois, après tout ce que l'on qui avait pu entendre entre les deux tours sur le risque de manque d'assesseurs, on s'étonnera finalement surtout que ce cas de figure ne se soit pas présenté ailleurs.
A Toulouse, tout comme dans deux communes de Loire-Atlantique, c'est le fait qu'un seul des membres du bureau ait été présent lors du passage des magistrats délégués chargé du contrôle des opérations qui a été pénalisant. Dans pas moins de sept autres communes de Loire-Atlantique, ainsi que dans une commune du Nord, il n'y avait carrément aucun membre du bureau de vote lors de ce passage…
Dans le Pas-de-Calais, deux communes ont vu l'ensemble des suffrages exprimés être annulés pour avoir fermé leur unique bureau de vote beaucoup trop tôt. Dans un contexte un peu particulier toutefois. Il s'agit de Canteleux, le plus petit village du département avec ses 16 habitants, ses 13 inscrits, ses 12 votants et ses 8 suffrages exprimés (avec, d'ailleurs, un score de 100% pour Emmanuel Macron). Soit une seule abstention. Le bureau de vote avait fermé ses portes à 15 heures. Même schéma à Guinecourt (15 inscrits, 12 votants, 3 abstentions) où le magistrat délégué avait trouvé porte close à 17 heures. En somme, ce n'est pas parce que tous les habitants attendus - dans une petite commune où, vraisemblablement, tout se sait - ont effectivement déposé leur bulletin dans l'urne que l'on a le droit de fermer le bureau de vote.
Pas question de fournir des bulletins blancs
Il y a par ailleurs l'affaire de Millas, commune des Pyrénées-Orientales (2.884 inscrits) qui avait fait parler d'elle dès dimanche en ayant, dans ses quatre bureaux de vote, mis à disposition des électeurs une pile de bulletins blancs à côté des bulletins des deux candidats. Les faits avaient été signalés par un assesseur Front national. Après intervention des services préfectoraux, ces bulletins blancs fournis par la mairie avaient été retirés. Il y a eu 194 votes blancs, soit 6,73%. Moins que la moyenne nationale (9,63% de votes blancs).
Même cas de figure dans quatre communes comptant chacune quelques dizaines d'inscrits : Montbel (Ariège), Vaudreville (Manche), Chapelle-sur-Usson (Puy-de-Dôme) et Maconcourt (Vosges). Le Conseil constitutionnel est formel : "La présence de documents autres que les bulletins de vote des candidats constitue une irrégularité de nature à influencer les électeurs et à porter atteinte à la sincérité du scrutin." Dans l'Ariège, la presse régionale rapporte que la mise à disposition de bulletins blancs était à l'initiative d'un conseiller municipal pensant "rendre service aux électeurs".
On sait que les militants pour une meilleure reconnaissance du vote blanc souhaitent entre autres précisément que le code électoral soit modifié pour y inscrire la disposition suivante : "Le maire dépose sur cette même table des bulletins blancs en nombre correspondant à celui des électeurs inscrits."
Parmi les autres irrégularités invalidées par le Conseil, deux ont eu lieu à Bastia avec, dans un cas, un président de bureau "en possession des deux clefs de l'urne" et, dans l'autre, une "urne ouverte de sorte qu'il était possible d'y introduire des bulletins par une autre ouverture". Dans le Calvados et dans l'Indre, plus d'un millier de suffrages au total ont été annulés parce que "les électeurs étaient invités à signer la liste d'émargement avant d'introduire leur bulletin dans l'urne".
Enfin, une série d'annulations sont liées à l'étape du dépouillement et de la transmission des résultats : absence de double contrôle, pas de lecture à haute voix des bulletins dépouillés, listes d'émargement non transmises à la préfecture, procès-verbal incomplet…
Dans un bureau de vote de Givors (Rhône), les électeurs s'étaient "vu refuser l'accès au bureau à compter de la clôture du scrutin" alors que tout électeur a parfaitement le droit d'assister au dépouillement. A Appoigny dans l'Yonne, la liste d'émargement de l'un des bureaux faisait quant à elle "apparaître des signatures similaires pour l'ensemble des votants". "Nous nous sommes aperçus qu’il y avait eu une inversion des registres. Entre celui qui doit être signé par les votants et celui où doit figurer la signature des assesseurs", a expliqué à l'Yonne Républicaine le maire de la commune.