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Prix initial ou prix nouveau : quelle application dans un marché de travaux ?

Dans un arrêt du 9 juin 2017, le Conseil d’Etat a tranché un litige relatif à l’exécution financière d’un marché de travaux. En l’espèce, se posait la question de savoir quel prix devait être appliqué aux prestations exécutées : prix initial ou prix nouveau ?

Dans un arrêt du 9 juin 2017, la haute juridiction administrative a rappelé que les prix nouveaux "ne sont applicables que pour les travaux ou ouvrages qui n’étaient pas prévus par le contrat et qui sont réalisés par l’entrepreneur en application d’un ordre de service". La réunion de ces deux conditions est donc nécessaire à l’application de prix nouveaux. Dans les faits, le département de Mayotte a confié la construction du terminal à conteneurs du port de Longuini à un groupement de sociétés dont fait partie la société Colas. Le maître d’ouvrage a notifié un décompte général de 79.078.305 euros au groupement. La société Colas a saisi le juge du tribunal administratif (TA) de Mayotte d’une demande tendant à ce que le décompte général soit établi en fonction des prix nouveaux pour certaines prestations et en fonction des prix initiaux pour d’autres. Le TA a condamné le département à verser à ce titre la somme de 535.620 euros à la société requérante. La cour administrative d’appel (CAA) de Bordeaux ayant annulé l’ordonnance du TA, la société Colas s’est pourvue en cassation.

Pas de changement de prix en cas modification des conditions d’exécution d’une prestation 

La société Colas a effectué des prestations de rechargement de talus de dragage et de réalisation d’une couche de fondation de terre-plein. L’usage d’une benne était prévu pour la réalisation de ces travaux mais elle n’a finalement pas été utilisée, rendant les prestations moins onéreuses. Dans le décompte général, le maître d’ouvrage a appliqué des prix nouveaux adaptés au changement des conditions d’exécution de ces prestations. La société Colas contestait l’application de prix nouveaux à ces prestations, en l’absence de modification de l’objet de la prestation. En effet, aux termes de l’article 14. 1 du cahier des clauses administratives générales (CCAG), les prix nouveaux sont appliqués aux "prestations supplémentaires ou modificatives, dont la réalisation est nécessaire au bon achèvement de l’ouvrage, qui sont notifiées par ordre de service et pour lesquelles le marché n’a pas prévu de prix". La CAA a toutefois rejeté la demande de la société requérante, estimant que "des prix nouveaux pouvaient être appliqués à des travaux prévus par le marché, à seule fin de tenir compte des conditions réelles de leur réalisation". Le Conseil d’Etat a toutefois infirmé ce jugement, considérant que des prix nouveaux ne pouvaient être appliqués à des travaux prévus par le marché, et ce, même si le but était de tenir compte de l’évolution des conditions de leur réalisation. Le prix initial aurait donc dû être appliqué à ces prestations.

Nécessité d’un ordre de service pour appliquer des prix nouveaux

La société Colas conteste d’autre part la non-application de prix nouveaux aux travaux de réalisation de certains chapiteaux et de recépage de pieux. Le marché initial prévoyait que ces travaux pouvaient être effectués à l’air libre, au dessus du niveau de l’eau. Un avenant au contrat a complété le marché, stipulant que ces travaux pouvaient également être effectués en-dessous du niveau de l’eau. La société Colas a effectué des interventions subaquatiques afin de réaliser ces travaux. Or, la collectivité ne l’a pas rémunérée par le prix nouveau prévu par l’avenant. La CAA a rejeté cette demande d’application du prix nouveau, estimant que le choix opéré par la société pour la réalisation de ces travaux "résultait de décisions d’organisation de chantier qui lui étaient propres et dont elle était la seule responsable". Toutefois, le Conseil d’Etat a jugé qu’en statuant sur ce seul motif, sans chercher à savoir si la collectivité avait reçu un ordre de service du maître d’ouvrage, le juge d’appel a entaché son arrêt d’une erreur de droit. L’arrêt a été annulé et l’affaire renvoyée devant la CAA de Bordeaux.

Référence : CE, 9 juin 2017, n° 396851

 

 

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