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Pour la Cour des comptes, les politiques de l'emploi ne ciblent pas assez les seniors

Dans un référé publié le 10 octobre 2019, la Cour des comptes estime que les politiques publiques de l'emploi ont tendance à délaisser les seniors. Chômage de longue durée, précarité, pauvreté, leurs difficultés se multiplient. La Cour incite à mieux suivre les phénomènes et à évaluer les dispositifs spécifiques. Elle propose aussi d'expérimenter une aide à l'employeur pour les CDD seniors.

Les politiques publiques de l'emploi sont-elles en train de délaisser les seniors, comme l'estime la Cour des comptes dans un référé publié le 10 octobre 2019 ? Si le taux d'emploi des seniors a connu une amélioration ces dernières années - passant de 36,4% en 2003 à 52,3% au premier trimestre 2019, à la suite des réformes des retraites menées depuis le début des années 2000 -, la haute juridiction financière constate que ce taux reste inférieur à la moyenne européenne, qui se situe à 59,1%. Et que les difficultés rencontrées par cette frange de la population restent nombreuses.

Au premier rang : le chômage de longue durée auquel sont fortement confrontés les seniors. D'après l'Insee, le nombre de chômeurs de 50 ans et plus a été multiplié par deux depuis 2008 à 576.000 en 2017 et encore 554.000 au premier trimestre 2019. La hausse est beaucoup plus importante que celle du nombre de chômeurs âgés de 15 à 24 ans (+ 11%) et de 25 à 49 ans (+ 26%). Leurs périodes de chômage sont particulièrement longues : 673 jours en moyenne au deuxième trimestre 2018 pour les chômeurs de plus de 50 ans contre 388 jours à la même période pour l'ensemble des demandeurs d'emploi. Par ailleurs, le risque de pauvreté est augmenté, notamment pour les seniors de 60 ans et plus. Cette tranche d'âge a fortement augmenté au sein des bénéficiaires de l'allocation d'aide au retour à l'emploi (ARE) et de l'allocation de solidarité spécifique (ASS) et des minimas sociaux. Pour l'ARE, leur poids a progressé de 87% depuis 2010, et les allocations qui leur sont versées ont augmenté de plus de 45% sur la même période, contre seulement 21% pour l'ensemble des bénéficiaires. Même ordre de grandeur pour l'ASS.

De nombreuses mesures, sans grand résultat

La Cour des comptes signale en outre une hausse sous-estimée du nombre des seniors inactifs en fin de carrière, notamment lors de la réforme des retraites de 2010. "Ces mécanismes de basculement dans l’inactivité et dans l’obtention de revenus de solidarité pour un nombre significatif de seniors n’ayant pas encore atteint l’âge de liquidation de leurs droits à la retraite conduisent à des situations de fragilité financière et sociale préoccupantes", explique la Cour.

Les politiques publiques peinent à assurer un rééquilibrage. Les essais ont pourtant été nombreux, comme le rappelle l'institution, mais sans grand résultat. Ainsi, dans le cadre du plan seniors de 2006, il y a eu notamment la création du CDD seniors, la mobilisation des outils de la politique de l’emploi (contrats aidés, accès à la formation professionnelle) en faveur des seniors,  la création d’une obligation de négociation collective au sein des branches et des entreprises sur l’emploi des seniors, en contrepartie de la suppression de la contribution qui taxait les licenciements de salariés âgés de plus de 50 ans, ou encore de l’annonce d’un plan de mobilisation du service public de l’emploi en faveur des demandeurs d’emploi de plus de 50 ans. Autre mesure phare : le contrat de génération, lancé en 2013 et supprimé en 2017 face au manque d'engouement, qui visait à la fois l'insertion professionnelle des jeunes et le maintien dans l'emploi des seniors et dont les modalités ont été renforcées en 2014 (doublement de l'aide à l'embauche). Des mesures dont le bilan global est selon la cour soit décevant, soit incomplet par manque de suivi statistique…

Une aide à l'employeur pour les CDD seniors

"Aujourd'hui, la politique de l'emploi des seniors ne dépasse pas les dispositifs de droit commun et la préparation par l'administration de fiches de bonnes pratiques sur la gestion des âges, destinées aux entreprises", déplore la Cour des comptes, qui identifie toutefois quelques initiatives locales menées par certaines agences Pôle emploi, et un levier important qui relève de la formation professionnelle, dans lequel le régions sont actives.

La Cour des comptes avance plusieurs recommandations pour ne pas en rester là comme la publication régulière d'une analyse d'ensemble de la situation des seniors de 55 ans et plus et le chiffrage, dans le contexte de la réforme des retraites en cours, des phénomènes de basculement dans l'inactivité en fin de carrière, et de leurs conséquences en termes de revenus de remplacement et de minima sociaux.

Les magistrats proposent aussi de réaliser des monographies sur les branches professionnelles les plus exposées au risque de sortie précoce du marché du travail des salariés âgés pour des motifs non liés à la réglementation des retraites, et d'évaluer les dispositifs spécifiques aux travailleurs seniors, comme le CDD seniors ou le contrat de professionnalisation. Objectif : les faire évoluer en améliorant leur performance. Dans ce cadre, la cour propose d'expérimenter une aide à l'employeur pour les CDD seniors. Enfin, elle préconise d'inscrire l'emploi des seniors comme un volet obligatoire de la négociation sur la gestion prévisionnelle des emplois et des parcours professionnels et de mettre en place un dispositif d'identification et d'évaluation des initiatives locales en faveur des seniors.

 

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