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Le Conseil d'État laisse neuf mois au gouvernement pour prendre le décret sur les discriminations dans l'accès aux soins

Dans une décision du 9 avril 2020, le Conseil d'État, saisi par le conseil national de l'Ordre des médecins, enjoint le gouvernement de prendre le décret d'application de l'article L.1110-3 du code de la santé publique. Mais, "dans les circonstances de l'espèce" – autrement dit en pleine crise sanitaire –, il laisse neuf mois pour prendre ce texte et n'assortit pas son injonction d'une astreinte.
L'article L.1110-3 du code de la santé publique (CSP) interdit les refus de soins par des professionnels de santé, notamment au motif que la personne est bénéficiaire de la CMU-C ou de l'aide à complémentaire santé (aujourd'hui fusionnées dans la complémentaire santé solidaire), ou de l'aide médicale d'État (AME). Si cet article a été modifié par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 du 22 décembre 2018, son origine remonte à la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST) du 21 juillet 2009, soit il y a près de 11 ans...
Cette interdiction s'assortit de la possibilité, pour les personnes qui s'estiment victimes d'un refus de soins, de saisir le directeur de l'organisme local d'assurance maladie ou le président du conseil territorialement compétent de l'ordre professionnel concerné. En cas d'échec de la conciliation, l'ordre concerné peut saisir la juridiction ordinale et le directeur de l'organisme local d'assurance maladie peut prononcer à l'encontre du professionnel de santé une pénalité financière forfaitaire, dans la limite de deux fois le plafond mensuel de la sécurité sociale.
Dans sa requête, le conseil national de l'Ordre des médecins demandait au Conseil d'État d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le Premier ministre et le ministre des Solidarités et de la Santé sur sa demande tendant à l'adoption des mesures réglementaires nécessaires à l'application de l'article L.1110-3 du code de la santé publique. Dans sa décision, le Conseil d'État lui donne raison en jugeant que "dans ces conditions, dès lors que le délai raisonnable au terme duquel ce texte aurait dû être adopté, à compter de l'intervention de la loi du 21 juillet 2009, était dépassé, le refus de prendre le décret prévu par l'article L.1110-3 du code de la santé publique est illégal et le Conseil national de l'ordre des médecins est fondé à en demander l'annulation". Considérant que "l'annulation de la décision implicite par laquelle le Premier ministre a refusé de prendre le décret prévu à l'article L. 110-3 du code de la santé publique implique nécessairement l'édiction de ce décret", le Conseil d'État enjoint donc le gouvernement de prendre de décret en attente depuis onze ans.

Références : Conseil d'État, première chambre, décision n°428680 du 9 avril 2020, Conseil national de l'Ordre des médecins.