Un projet de loi pour faciliter l'installation d'agriculteurs

Maintes fois repoussé, le projet de loi d'orientation pour la souveraineté agricole et le renouvellement des générations en agriculture a enfin été présenté en conseil des ministres, le 3 avril. Censé à l'origine s'attaquer à la question du renouvellement des générations dans un contexte de transitions alimentaires, le texte a été enrichi d'un volet de simplification au gré de la crise agricole. Son examen à l'Assemblée est prévu à partir du 13 mai.

Avec le printemps, le projet de loi d'orientation agricole sort enfin de terre. Il lui aura fallu un an et demi de gestation. Annoncé par le président de la République en septembre 2022 (voir notre article du 12 septembre 2022), ce chantier visait initialement à faire face au mur démographique qui se profile et avait fait l'objet d'une vaste concertation territoriale l'an dernier. Mais la crise agricole du début de l'année a conduit le ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire Marc Fesneau à remettre l'ouvrage sur le métier pour répondre à certaines revendications de la profession. 

C'est donc un texte renforcé – et rebaptisé au passage "projet de loi d'orientation pour la souveraineté agricole et le renouvellement des générations en agriculture" - qui a été présenté en conseil des ministres ce 3 avril. 

Souveraineté alimentaire

Répondant à une demande de la FNSEA, le premier des 19 articles place l'agriculture, la pêche et l'aquaculture au rang d'"intérêt général majeur en tant qu'elles garantissent la souveraineté alimentaire de la nation". A noter que cette inscription faisait déjà partie d'une proposition de loi sénatoriale transpartisane adoptée l'an dernier, appelant à un "choc de compétitivité de la ferme France", mais restée sans lendemain (voir notre article du 25 mai 2023).

La mesure n'est pas simplement symbolique. Elle vise à mettre les enjeux de souveraineté alimentaire au même niveau que les enjeux environnementaux, à un moment où les conflits entre les deux sont parfois exacerbés. En témoignent les crispations autour des "bassines".

Reconfiguré dans l'urgence de la crise agricole, le projet de loi ne se départit pas pour autant de sa vocation de "loi d'orientation" avec le défi à venir du renouvellement des générations. Alors que les effectifs agricoles se sont effondrés ces dernières décennies, les perspectives sont sombres. "D’ici 10 ans, plus d’un tiers des chefs d’exploitation seront en âge de partir à la retraite", souligne le gouvernement. Or "il n'y aura pas de souveraineté sans installation", a martelé Marc Fesneau, mercredi, à l'issue du conseil des ministres. 

Formation, installation

A cet égard, le projet de loi reprend les grandes lignes du "Pacte d'orientation pour le renouvellement des générations en agriculture" dévoilé par le ministre le 15 décembre (voir notre article du 15 décembre 2023). La principale mesure est la création du réseau "France services agriculture". Il s'agit d'un guichet ou point d'entrée unique pour les prétendants à l'installation (ou à la reprise) sous l'égide des chambres d'agriculture, en lien avec les régions compétentes pour les aides à l'installation. Guichet unique ne signifie pas solution unique : les candidats seront ensuite accompagnés en fonction de la nature de leur projet, par les interlocuteurs idoines. France services agriculture donnera également accès à des "outils de diagnostic qui permettront d’évaluer les exploitations à céder ou les projets d’installations au regard notamment du changement climatique mais aussi de leurs performances économiques ou sociales". Un travail sera conduit par les régions pour évaluer "territoire par territoire" les besoins d'accompagnement.

Mais comme l'a souligné Marc Fesneau, "la plupart des gens qui vont s'installer en agriculture ne sont pas issus du monde agricole". C'est pourquoi le projet de loi porte une attention importante aux enjeux de formation. Il prévoit la création d'un nouveau diplôme de niveau bac+3 ("bachelor agro"), la mise en place d’un programme national d’orientation et de découverte des métiers de l’agriculture (actions de découverte pour les écoliers, stages immersifs au collège et au lycée), la définition d’une 6e mission de l’enseignement agricole, pour mieux préparer aux enjeux de renouvellement des générations et de transitions alimentaires. 

Le texte aborde aussi la question du foncier en créant des "groupements fonciers agricoles d'investissement" (GFAI). Il s'agira "d’attirer, de manière maîtrisée, des capitaux privés qui contribueront à financer l’effort d’investissement nécessaire lors de l’installation en agriculture, s’agissant notamment du portage du foncier", précise le gouvernement.

Simplification

A côté de ces mesures issues de la concertation, le texte porte le sceau des annonces faites au moment de la crise agricole, en particulier en matière de simplification, avec l'idée générale d'instaurer un régime moins répressif en cas de dommages à l'environnement (c'est aussi l'un des enjeux de la convention en cours de négociation entre Chambres d'agriculture France et l'Office français de la biodiversité). L'enjeu : passer "d'un régime pénal à un régime contraventionnel ou réparationnel (sic)", a souligné Marc Fesneau. Le gouvernement souhaite ainsi éviter "les procédures infamantes" pour les agriculteurs.

Cette mesure s'accompagne de la mise en place d'un régime unique pour les haies, en lieu et place de la dizaine de règlementations existantes. Cette règlementation est aujourd'hui vécue comme "la plus complexe" et "la plus décourageante" pour les agriculteurs, alors qu'il est prévu de planter 50.000 km d'ici 2030, a rappelé le ministre.

Le texte introduira une présomption d'urgence en cas de contentieux contre les projets d’ouvrage hydraulique agricole ("bassines") et les grands bâtiments d’élevage (classés "ICPE") qui sont régulièrement la cible d'associations environnementales. L'objectif : pouvoir purger les contentieux en moins de dix mois. Il facilitera par ailleurs l'intervention des départements en matière de gestion et d'approvisionnement en eau.

Enfin, le texte fixe les règles sur les chiens de protection de troupeau afin de mettre fin à l'insécurité juridique qui pèse sur les éleveurs et bergers en cas de morsure d'un randonneur. Le CGAAER (Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux) avait été chargé d'une mission de conseil sur ce sujet l'an dernier.

Le projet de loi sera examiné à l'Assemblée à partir du 13 mai. Marc Fesneau espère une adoption "avant l'été".