ClimSnow, un outil au service de la transition touristique à Métabief (25)

À Métabief et dans les communes du territoire du Haut-Doubs, la réflexion sur l’avenir de la montagne est engagée depuis longtemps. Lauréat du Plan Avenir Montagnes Ingénierie en 2021, le syndicat mixte du Mont d’Or (SMMO) s’est appuyé sur ClimSnow, un outil d’évaluation de l’enneigement.

« Avons-nous assez de temps pour amortir l’investissement nécessaire sur les remontées mécaniques, soit deux télésièges neufs d’un montant de 15 millions d’euros, sachant que les équipements en place présentent des défauts de sécurité et de stabilité ? » Telle est la question qui se pose en 2016 au syndicat mixte du Mont d’Or (SMMO), explique Olivier Erard, son directeur, également responsable du pôle Ingénierie de la transition. La réflexion est menée en interne avec les techniciens d’une part, les élus d’autre part, représentants du département du Doubs et de la Communauté de communes des lacs et montagnes du Haut-Doubs, notamment Métabief, Longevilles-Mont-d’Or, Les Hôpitaux-Neufs et Jougne, directement concernées par l’enneigement moindre.

Alors que les modèles climatiques sont encore rares (le premier rapport Montagne du Giec date de 2019), l’analyse du SMMO s’appuie sur les données disponibles : météo des stations, production de neige de culture, données du portail Drias… pour aboutir à un constat : « non, nous n’avons pas vingt ans pour amortir un tel investissement ».

Que faire alors pour la quinzaine d’années pendant laquelle le ski alpin garde une certaine viabilité économique ? « La rencontre avec un maître d’œuvre spécialisé dans les remontées mécaniques a permis de développer SAFE, pour structural audit and factual evaluation : une nouvelle méthode d’analyse des pylônes et des massifs béton, et de comprendre les dysfonctionnements structurels. » Fin 2018, pour 180 000 €, le syndicat a la compréhension totale des instabilités et lance la rénovation des massifs de béton accueillant les pylônes, ainsi que le changement d’éléments de motorisation, fortement dégradés. Coût de l’opération : 2 millions d’euros.

Une dynamique d’innovation collective

Cette stratégie de rénover plutôt qu’acquérir de nouveaux télésièges marque une étape dans la prise de conscience de tous les acteurs. À l’horizon 2030-2035, la viabilité économique du ski alpin sera remise en question, au regard des projections climatiques. Sur la courbe du deuil collectif, chacun avance à son rythme, nombreux sont les agents, les élus, les professionnels des stations, les habitants qui ont encore besoin de temps pour imaginer d’autres paysages, d’autres activités. « La réflexion sur l’avenir de notre montagne est récurrente depuis le début des années quatre-vingt-dix », dit Philippe Alpy, vice-président du département, tandis que le maire de Métabief, Gérard Dèque, rappelle que « les premiers championnats du monde de VTT, en 1993, ont eu lieu ici, avec la mise en place d’une piste de descente jamais conçue auparavant ».

Développé par Météo France, l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) et le cabinet Dianege, ClimSnow est un outil d’évaluation de l’enneigement, cofinancé par la Banque des Territoires. À Métabief, les calculs menés avec ClimSnow corroborent les résultats des études menées depuis 2016. Cette photographie de la réalité de l’enneigement et de sa probable évolution a ouvert, depuis la fin 2020, une nouvelle étape de prospective : « Avec ClimSnow, nous disposons d’informations prospectives nous aidant à planifier nos investissements sans alourdir notre dette. Pragmatiques, nous avançons par tranche de cinq ans. Sur cette première période 2021-2025, outre la rénovation des remontées mécaniques avec à la méthode SAFE, nous avons établi un Plan pluriannuel d’amélioration des remontées mécaniques et des équipements de 800 000 € par an, soit 4 millions d’euros sur cinq ans, ainsi que la construction d’une luge 4 saisons avec un bâtiment, pour 4 millions d’euros ». Les 10 millions d’euros d’investissement sur les cinq ans sont financés par le département (6 M€), le Plan Montagne (0,80 M€) et le Plan de relance régional (0,90 M€), soit plus de 75 % de subvention.

Le plan Avenir Montagnes Ingénierie (AMI)

« Il s’agissait de poursuivre la réflexion sur la diversification touristique et de la mener à l’échelle de l’ensemble du territoire ». Le programme national lancé par l’Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT) vise à accompagner les territoires de montagne dans leur transition. Lauréat en 2021 (parmi les 32 premiers lauréats), le territoire du Haut Doubs animé par le SMMO bénéficie de cette aide opérationnelle de l’État pour créer le pôle Ingénierie et financer le recrutement d’un agent auprès du responsable du Pôle ingénierie de la transition. Une part du temps de ce dernier et la poursuite des études sont, par ailleurs, financées par la taxe Remontée mécanique : « le syndicat reçoit 60 % du montant de ces prélèvements. Ainsi, le ski alpin finance l’ingénierie de sa transition ». Le dispositif est encadré par une convention trisannuelle entre, d’un côté le SMMO et de l’autre, le département et les trois communes de la station. Dans le cadre du renouvellement (2022-2024), d’autres synopsis sont élaborés pour une valorisation culturelle, environnementale et patrimoniale de la montagne. Préoccupés par l’adhésion pleine et entière de la population, les élus entendent que « les hommes et les femmes qui rêvent leur montagne donnent leur avis sur son avenir ». Un travail en ce sens est mené avec la chargée de mission du plan AMI, ainsi qu’avec une doctorante en psychologie sociale et environnementale de l’Université de Nîmes pour anticiper l’intégration des activités de pleine nature dans le massif : gestion des conflits, dégradation des milieux naturels…

Concrètement, le pôle Ingénierie suscite des initiatives et accompagne les porteurs de projet : « Pas question d’imposer une vision toute faite comme cela avait été le cas avec les plans Neige des années soixante. Nous aidons plutôt les différents acteurs à changer de posture, à imaginer d’autres activités dans le paysage que nous connaissons. » VTT, grande randonnée, trail et ultratrail, accrobranche, valorisation des espaces naturels… Différents scenarii dessinent l’avenir du territoire au fil des quatre saisons, « nous imaginons notre montagne naturelle, surtout pas transformée en parc d’attractions ». Mais les projections financières montrent une baisse de 40 % du chiffre d’affaires touristique total à l’échelle de ce territoire du Haut Doubs, par rapport aux gains directs et indirects générés par le ski alpin. « La neige de culture garantit actuellement l’offre, précise Gérard Dèque mais avec la réduction prévisible des plages de froid confirmées par les études ClimSnow, la production de neige sera de plus en plus difficile ». « La neige de culture nous donne du temps. Plus le ski alpin dure, plus nous aurons les moyens de réaliser une transition partagée », confirme Philippe Alpy.

Métabief est ouvert !

De nombreux élus s’accordent sur un point : les exigences de la communication. « La dynamique enclenchée exige une communication adaptée et précise, avec un langage choisi, qui ne prête pas à mauvaise interprétation », dit Philippe Alpy, tandis que le maire de Métabief déplore les raccourcis diffusés par certains médias et qui font grand tort aux professionnels : « la station de Métabief est bel et bien ouverte ». Après les mois de crise sanitaire et une saison d’hiver inexistante depuis deux ans, le fil de la communication locale se retisse pour rappeler les raisons de la dynamique de transition et partager les axes de celle-ci : transformer la station de ski en station de montagne, anticiper les activités de pleine nature, créer un pôle montagne regroupant les acteurs, développer les outils d’intelligence collective et les expérimentations. ClimSnow et le plan Avenir Montagnes Ingénierie sont les socles d’une ingénierie relationnelle au service d’un développement réellement collectif du territoire.

Les chiffres clés de la transition

  • coût annuel de la maintenance des équipements ski alpin : 800 000 €
  • coût de l’étude SAFE (structural audit and factual evaluation) : 180 000 €
  • rénovation des télésièges : 2 millions d’euros

Syndicat mixte du Mont d’Or (SMMO)

8 place Xavier Authier
25370 Métabief

Philippe Alpy

Président

Olivier Erard

Directeur et responsable du pôle ingénierie de la transition

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